La Chine est-elle dotée d’un véritable système de protection sociale ?

La Chine est-elle dotée d’un véritable système de protection sociale ?

Les inégalités au sein de la société qui fragilisent la puissance chinoise sont accrues par les lacunes de la protection sociale. En 2018, les dépenses de l’État pour la protection sociale représentaient 8 % du budget, alors que la moyenne des pays de l’OCDE était de 22 %. Si des progrès ont été accomplis en ville, où la population ouvrière a historiquement bénéficié, depuis 1949, d’un système de protection plus développé, la situation est différente dans les campagnes exclues de tout système de protection sociale performant, même si 96 % de la population a en théorie une forme d’assurance maladie. Cette couverture, comme l’a montrée l’épidémie de Covid-19, ne garantit toutefois pas l’accès à des soins de qualité.

Selon le rapport publié en 2013 par la Banque mondiale et le Conseil d’État de la RPC, l’absence de système de protection sociale efficace et universel, dont le coût serait considérable pour l’économie chinoise, fragilise une part significative de la population, y compris les classes moyennes, à la merci des accidents de la vie potentiels. Depuis 2015, une forme de couverture sociale universelle a été mise en place mais qui renforce aussi les inégalités, selon les niveaux de cotisation.

Cette incertitude et la nécessité d’épargner pour la retraite, ou d’assurer celle des parents et grands-parents, influent sur la consommation des ménages avec un taux d’épargne de précaution qui représente 40 % du PIB, un des taux les plus élevés au monde. Elle nourrit une forme de nostalgie pour la période maoïste, lorsque les besoins, du logement à la retraite en passant par la santé et l’éducation, étaient en théorie pris en charge par « l’unité de travail » à laquelle on appartenait.

En 2011, le gouvernement central, qui s’était désengagé au début de la période de réformes, a adopté une loi sur l’assurance sociale, destinée à pallier les lacunes et les dysfonctionnements du système. Une couverture universelle comprenant l’assurance vieillesse, la santé, la maternité, le chômage et les accidents du travail couvre dorénavant l’ensemble des travailleurs des entreprises publiques ou privées disposant d’un certificat de résidence urbain.

Les travailleurs migrants, qui ne bénéficient pas de hukou urbain, en sont exclus. Un système différent – sur la base du volontariat – est appliqué aux résidents des zones rurales – dont les travailleurs migrants –, ainsi qu’aux résidents urbains non-salariés. Le système devrait progressivement être unifié afin d’assurer une couverture sociale universelle, condition sine qua non du succès de la transition économique vers plus de consommation intérieure que le pouvoir souhaite mettre en œuvre.

Toutefois, si ces mesures sont adoptées nationalement, c’est au niveau des gouvernements locaux qu’elles sont mises en œuvre. Endettées et confrontées à une baisse des revenus fonciers, les autorités locales ont toute latitude pour adapter les directives du gouvernement central aux conditions de vie locale. En pratique, l’unification du système de protection social est loin d’être achevée, renforçant les inégalités qui persistent entre zones rurales et zones urbaines.