La classe moyenne chinoise existe-t-elle ?

La classe moyenne chinoise existe-t-elle ?

Les réformes économiques ont favorisé l’émergence d’une classe moyenne – potentiellement consommatrice – qui rend attractive la puissance chinoise sur la scène internationale. Cependant, la définition et l’estimation quantitative de cette classe moyenne demeurent sujettes à caution.

Selon des études récentes, elle pourrait représenter un peu plus de 400 millions de personnes, soit près du tiers de la population. Son émergence accompagne les progrès de l’urbanisation, alors que 56 % de la population chinoise vit dans les villes. La définition de la classe moyenne tempère toutefois ces résultats. L’éventail des ressources prises en compte est vaste : les revenus vont de 10 à 50 dollars par jour. Les revenus supérieurs à 50 dollars sont marginaux, 75 % de la classe moyenne chinoise se situe dans la catégorie inférieure (10 à 20 dollars par jour1). Et même, selon le Premier ministre Li Keqiang, 600 millions de Chinois disposent de moins de 150 dollars par mois. L’effet de masse démographique joue à plein pour en faire un réservoir de consommateurs, mais seule la catégorie supérieure a accès aux biens tels que les produits importés, automobiles, marques de luxe, produits alimentaires de qualité ou voyages à l’étranger, en particulier en Europe et aux États-Unis.

Par ailleurs, si la classe moyenne est en expansion rapide, sa répartition géographique est concentrée à plus de 87 % dans les provinces côtières les plus riches et les grandes villes, où les salaires ont augmenté de 11 % en moyenne entre 2001 et 2015. Des études plus précises montrent que seulement 8,5 % de la population, résidant dans 6 % des villes chinoises, représente 43 % des dépenses de consommation globale des ménages.

Cette classe émergente, qui bénéficie pleinement de la politique de réforme et d’ouverture, a longtemps constitué le premier soutien du régime, garant de l’amélioration du niveau de vie et de la stabilité sociale et politique. Les membres du Parti communiste sont surreprésentés dans cette catégorie de la population.

Toutefois, les attentes de la classe moyenne se déplacent du domaine économique au domaine sociétal chinois, et la disparition progressive des générations ayant vécu les drames de l’époque maoïste augmente le niveau d’exigence des plus jeunes, qui n’ont pas la mémoire des souffrances passées.

Pour eux, propriétaires à plus de 80 %, qui investissent une part importante de leur budget dans l’acquisition d’un appartement, les questions de sécurité environnementale sont essentielles. Plus globalement, les incertitudes quant aux orientations politiques du régime et à la stabilité financière, les craintes suscitées par une campagne de lutte contre la corruption qui peut toucher tous ceux qui ont accumulé des biens, même modestes, et les limites du système de protection sociale, pèsent sur la fidélité de la classe moyenne au régime.