La lutte contre la corruption en Chine est-elle une illusion ?

La lutte contre la corruption en Chine est-elle une illusion ?

Les inégalités et les lacunes du système de protection sociale rendent insupportable une corruption qui concerne tous les secteurs de la société chinoise et s’appuie sur les réseaux traditionnels de « relations1 » de type clanique. Si le Parti communiste avait construit sa légitimité sur la supériorité morale de ses cadres, le retour à des pratiques ancestrales, qui s’expliquent, aujourd’hui comme à l’époque impériale, par l’absence de contre-pouvoirs et de système légal indépendant, menace la survie du système.

C’est pour mettre fin à ce climat délétère que Xi Jinping a lancé, à son arrivée à la tête du Parti communiste en 2012, une campagne de grande ampleur de lutte contre la corruption. À des degrés divers, tous les échelons de l’appareil du Parti communiste et de l’armée sont concernés. Depuis 2012, plusieurs millions de personnes ont été concernés, à tous les échelons du Parti et de la société.

Au sein de l’APL, la Commission militaire centrale (CMC) a été touchée avec l’arrestation de deux de ses anciens vice-présidents, les généraux Xu Caihou, décédé avant de pouvoir être jugé, et Guo Boxiong, condamné à la prison à vie en 2016. Tous deux sont accusés entre autres d’avoir participé à un vaste système de ventes de positions au plus offrant, hors de tout critère de qualification, chaque charge étant source de profits provenant de la corruption2.

Cette campagne anti-corruption a reçu le soutien d’une population exaspérée par ce fléau qui accable la société et l’économie, des écoles aux hôpitaux en passant par la police, les tribunaux ou l’attribution d’autorisations pour les entreprises. Des critiques s’expriment toutefois. Un rapport de Transparency International, publié en 2020, place la Chine au 80e rang mondial (sur 180 pays) en termes de corruption et précise que 62 % des personnes interrogées considèrent que la corruption est un problème majeur. En l’absence de transparence et de garanties légales, la lutte anti-corruption – qui ne touche aucun proche du président Xi Jinping – apparaît comme l’instrument d’une lutte de clans prolongée entre l’actuel président et ses prédécesseurs. Le contrôle de personnalités susceptibles de présenter une menace pour la toute-puissance du Parti communiste explique aussi de nombreuses procédures. C’est le cas de Jack Ma, PDG d’Alibaba, l’un des hommes d’affaires les plus charismatiques et les plus puissants de Chine, qui a disparu pendant plusieurs mois en octobre 2020.

Le retour à des pratiques d’un autre âge de confessions publiques et télévisées, d’autocritiques et d’internements « administratifs » et même d’exécutions a fait renaître jusqu’au sommet du Parti communiste un sentiment de crainte qui avait largement disparu depuis le début des années 1980. Celui-ci, bien qu’il puisse contribuer à consolider le pouvoir de Xi Jinping et de son entourage, pourrait aussi accroître les divisions au sein du Parti.

Si elle a des effets positifs, la lutte contre la corruption impacte également l’économie chinoise. Selon des experts, cette campagne aurait coûté un point de croissance à la Chine affectant particulièrement des secteurs comme ceux de la construction et des infrastructures. Les prises de décision dans les investissements, particulièrement au niveau local, sont ralenties, et l’implication d’importants responsables économiques d’entreprises d’État ou privées augmente les incertitudes.