Le mythe de l’égalitarisme de la société chinoise est-il mort ?

Le mythe de l’égalitarisme de la société chinoise est-il mort ?

Paradoxalement, la RPC, qui se définit dans sa Constitution comme un État socialiste sous la dictature démocratique du peuple, est devenue l’un des États les plus inégalitaires de la planète. Les autorités chinoises mettent en avant les succès du développement, qui ont permis de sortir 500 millions de Chinois de la pauvreté en trente ans et d’aboutir, comme l’a proclamé Xi Jinping en 2020, à l’éradication de la grande pauvreté, dont le seuil est fixé à 4 000 yuans (600 dollars) par an. En revanche, selon le Premier ministre Li Keqiang, en 2020, 600 millions de Chinois vivaient avec moins de 1 000 yuans (127 euros) par mois. À l’autre extrémité de l’échelle sociale, le nombre de millionnaires en dollars a atteint 3,15 millions en 2015. La Chine comptait également 596 milliardaires en dollars, la même année, soit davantage que les États-Unis.

Mais, comme le souligne un rapport publié en 2013, le niveau d’inégalité en matière de revenus, de consommation, d’accès à l’éducation, à des soins de qualité et à un système de protection sociale performant, demeure très élevé.

L’accès aux biens montre ces inégalités au sein de la société en Chine : 1 % de la population la plus aisée possède 33 % des actifs et, inversement, 25 % des plus pauvres ne détiennent que 1 % des richesses du pays. Selon une étude publiée récemment par l’Institut des sciences sociales de l’université de Pékin, la répartition des revenus est tout aussi inégalitaire. En 2019, seuls 10 % des adultes disposaient d’une fortune comprise entre 100 000 et 1 million de dollars. Mais la Chine compte aussi, en 2019, 389 milliardaires dont la fortune globale est évaluée à 1 200 milliards de dollars. Cette part s’est encore accrue en 2020, en dépit de la pandémie de Covid-19.

Plus préoccupant pour les autorités, ces inégalités croissantes nourrissent une insatisfaction latente. En 1980, l’indice Gini de la Banque mondiale, qui indique le niveau d’inégalité global pour chaque pays, était de 29 pour la Chine, il s’élevait à 46,5 en 2019. À titre de comparaison, l’indice est de 30 en moyenne pour les pays de l’OCDE et de 47 pour les États-Unis.

Ces évolutions constituent un défi pour le pouvoir, dont la légitimité provient de sa capacité à assurer un progrès constant du niveau de vie pour tous. Elles freinent les capacités de réforme en profondeur de l’économie, alors que la réduction des inégalités, ou au moins le contrôle de leur progression, impose la poursuite d’une croissance forte. Si la Chine, prise dans sa globalité, s’est considérablement développée depuis la fin de la décennie 1970, elle n’a pas encore les moyens – sous peine d’aggraver le mécontentement dû aux inégalités – d’assumer le rééquilibrage de son modèle de croissance.