Qui sont les migrants de l’intérieur en Chine ?

Qui sont les migrants de l’intérieur en Chine ?

La croissance économique remarquable que la Chine connaît au début des années 1980 est largement due à la mobilisation des migrants de l’intérieur. Cette main-d’œuvre abondante, au statut légal fragile, révèle les tensions de la société chinoise entre espoir d’enrichissement, délitement des structures traditionnelles et absence de véritable droit du travail.

Si les statistiques sont imprécises, la « population flottante1 » de « travailleurs paysans2 », nom officiel des migrants de l’intérieur, s’élèverait à plus de 250 millions de personnes. Le mouvement s’accélère au début des années 1990 et touche soit les provinces les moins développées de l’intérieur, soit les zones rurales dans les provinces plus riches, dont les habitants s’installent – en théorie provisoirement – dans les grandes villes et les provinces côtières, où sont concentrés les besoins de main-d’œuvre dans l’industrie ou la construction.

Ce phénomène correspond aux inégalités qui subsistent entre les villes et les campagnes, en matière de salaires, d’accès à des structures de protection sociale plus avancées et à un mode de vie libéré des contraintes de la société traditionnelle. En 2018, le revenu disponible annuel moyen s’élevait à 6 000 dollars en ville, mais à seulement 2 200 dollars dans les zones rurales. Il touche à égalité les hommes jeunes dans le secteur de la construction, et les jeunes femmes dans les industries de main-d’œuvre tournées vers l’exportation.

Depuis 2010, la population urbaine en Chine dépasse légèrement la population rurale. Mais il ne s’agit que d’une « semi-urbanisation », résultat d’une immigration intérieure qui n’accorde ni le même statut ni les mêmes droits aux différentes catégories de citoyens. Soumis aux contraintes du certificat de résidence3, les migrants de l’intérieur installés en ville n’ont toujours pas accès au système social et éducatif dont bénéficie la population urbaine officielle. Cette ségrégation, qui touche la deuxième génération de migrants, parfois née en ville, se perpétue.

La migration intérieure a aussi des répercussions sur la prise en charge des personnes âgées, isolées dans les provinces les plus pauvres désertées par les générations en âge de s’employer en ville. À peine 20 % des migrants s’installent en ville avec leur famille, en raison des difficultés d’accès à l’éducation et du coût du logement. En outre, un phénomène préoccupant d’enfants « abandonnés », qui toucherait une soixantaine de millions d’enfants de sept à seize ans s’est développé.

Toutefois, le ralentissement de l’économie, qui touche les industries manufacturières destinées à l’exportation dans les provinces côtières, paraît favoriser un retour vers les provinces et les villes moins importantes de l’intérieur. En 2020, la crise du Covid-19 a également pesé très lourd sur l’accès à l’emploi à ces populations.