La Chine : économie socialiste ou économie de marché ?

La Chine : économie socialiste ou économie de marché ?

Depuis le début des réformes en 1979, la part du marché dans l’économie chinoise s’est accrue et cette évolution a été entérinée en 1993 avec l’adoption du concept « d’économie socialiste de marché aux caractéristiques chinoises ». Manifestation de l’empirisme des dirigeants chinois, celui-ci reconnaît la coexistence d’un secteur croissant de l’économie gouverné par les lois du marché, privé ou à capitaux mixtes, et une ouverture aux investissements étrangers, avec un secteur d’État dont le poids demeure extrêmement important et à tendance à se renforcer depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping en 2013. Ce système hybride a permis à la Chine d’obtenir des taux de croissance élevés sur une longue période tout en préservant la nature « socialiste » du système.

La contradiction entre liberté du marché et volonté de préserver les capacités de contrôle de l’État et du Parti communiste sur l’économie n’a jamais été résolue ; et la question de l’approfondissement des réformes et d’une plus grande libéralisation de l’économie demeure posée.

Depuis 1980, lorsque 100 % des actifs des entreprises étaient contrôlés par l’État, une sphère privée a émergé et des secteurs ont été ouverts aux investissements étrangers, mais les restrictions qui interdisent aux entreprises étrangères de détenir plus de 50 % du capital d’une entreprise n’ont pas été levées sauf exception. La stratégie du pouvoir a consisté à intégrer les entreprises privées au système, en encourageant l’adhésion de leurs dirigeants au Parti communiste, selon le principe des « trois représentations » élaboré par l’ancien président Jiang Zemin1.

Dans le fonctionnement des entreprises d’État, ou des entreprises collectives au niveau national comme au niveau provincial ou local, des principes de gestion selon les règles du marché ont été introduits pour maximiser les profits. Une part toujours limitée du capital de ces entreprises, qui ne dépasse pas 10 à 15 %, a été introduite en bourse à Shanghai ou à Hong Kong. Pour autant, ces entreprises ne deviennent pas des entreprises privées. Le rôle du Parti dans le choix des dirigeants et les orientations stratégiques demeure essentiel. Au mois d’octobre 2020, Jack Ma, l’un des plus puissants dirigeants, à la tête de l’entreprise « privée » Alibaba et membre du Parti communiste, a disparu pendant plusieurs mois. L’introduction à la bourse de Shanghai de l’une de ses compagnies financières, ANT, a été suspendue sur décision de Xi Jinping lui-même.

L’État et le Parti ont gardé la mainmise sur la propriété et le prix du foncier, le système financier, l’attribution des ressources et le marché officiel du travail, autorisant une maximisation des avantages au profit d’entreprises nationales ou étrangères privilégiées, en fonction des intérêts chinois. Le rôle prédominant de l’État dans l’attribution du crédit permet de mobiliser des fonds au service des stratégies d’investissements dans les infrastructures, de prises d’intérêts à l’étranger ou de plans de relance sans être contraint par la question de la rentabilité. La libéralisation complète de l’économie chinoise n’est pas d’actualité malgré la volonté de Pékin de se voir reconnu comme une économie de marché.