La Chine doit-elle craindre la fuite des capitaux ?

La Chine doit-elle craindre la fuite des capitaux ?

Soutenus par les projets de routes de la soie, les investissements à l’étranger ont augmenté de 130 % en 2016. Cet engagement est considéré comme le signe le plus tangible de l’intégration croissante de la puissance chinoise au système international, et des opportunités qu’elle offre à des économies moins dynamiques. Les pays en développement ou semi-développés ont reçu 83 % des investissements chinois dans des projets de construction pour la période 2005-2019. Les pays développés ont reçu 62 % des investissements chinois dans d’autres secteurs1, souvent sous la forme de fusions et d’acquisitions.

Pékin s’est alarmé toutefois de ce qui s’apparente de plus en plus à une fuite des capitaux, qui aurait atteint 119 milliards de dollars en 20172 pour les investissements à destination de l’Europe et des États-Unis. Les autorités financières chinoises s’inquiètent des investissements massifs dans le secteur de l’immobilier, dans celui du tourisme, ou dans des achats de prestige comme les vignobles français. Ce mouvement traduit en effet une perte de confiance dans l’économie chinoise et dans sa monnaie, ainsi qu’une volonté des investisseurs chinois de mettre leurs capitaux en sécurité à l’étranger.

Autre sujet d’inquiétude, les réserves de change, qui culminaient à 4 000 milliards de dollars en 2014, ont fortement diminué, pour passer sous la barre des 3 000 milliards de dollars en 2016, leur plus bas niveau depuis 2010 qui n’a pas remonté depuis.

La Chine a donc pris des mesures visant à reprendre le contrôle des investissements à l’étranger, au risque de se priver de l’un des principaux facteurs d’attractivité de la puissance chinoise. En 2017, le montant des investissements prévus a chuté de 74 %. L’effondrement (– 94 %) a été spectaculaire aux États-Unis sous Donald Trump en 2019. L’Union européenne a pris le relais, mais de nouvelles mesures visant à mieux contrôler les investissements étrangers dans des secteurs sensibles comme la haute technologie duale ont été mises en place, freinant l’intérêt de la Chine. Des mesures plus strictes visant à freiner les sorties de capitaux ont été adoptées par Pékin. Une nouvelle mesure concerne l’interdiction de toute acquisition supérieure à un milliard de dollars à l’étranger par une entreprise chinoise, dans un secteur d’activité différent de son secteur d’origine ou dans l’immobilier. Au niveau individuel, les autorisations de transferts de capitaux à l’étranger ne peuvent dépasser 50 000 dollars par an. De multiples mesures de contournement de cette règle ont toutefois été mises en place, de l’utilisation de « passeurs » entre Shenzhen et Hong Kong à celle d’hommes de paille, de montages financiers clandestins ou de la corruption.