La puissance chinoise est-elle devenue la championne de l’innovation ?
Pour la Chine, la clef du rééquilibrage et de la poursuite de la croissance passe par la montée en gamme technologique et l’innovation. Le treizième plan quinquennal 2016-2020 mettait l’accent sur l’innovation technologique dans des secteurs clefs comme les énergies nouvelles, les nouveaux matériaux, l’ingénierie navale et ferroviaire, l’aérospatial, les biotechnologies, l’environnement, les technologies de l’information et de la communication, mais aussi la robotique et l’intelligence artificielle.
Ces ambitions, inscrites dans le cadre du projet Made in China 2025 inauguré en 2015 pour doter le pays d’une plus grande autonomie industrielle dans les secteurs civils et militaires, sont renouvelées dans le même terme en 2020 et dans le cadre des China Standards 2035. Il s’agit toujours, pour Pékin, de mieux contrôler les chaînes d’approvisionnement et de s’affranchir des fournisseurs extérieurs aux premiers rangs desquels les États-Unis dans les secteurs stratégiques. Pour obtenir des résultats, les autorités chinoises sont prêtes à renforcer les moyens, avec un budget recherche et développement en augmentation, de 12 % en 2019 pour atteindre 2,23 % du PIB. Dans certains secteurs, le leadership chinois semble incontestable. Les technologies de l’intelligence artificielle, appliquées massivement au contrôle de la population, « bénéficient » de l’absence de règles éthiques. La Chine mise également sur la conquête spatiale et ambitionne d’être la première puissance asiatique à envoyer un homme sur la lune. La Chine dispose par ailleurs de moyens humains considérables : 1 300 chercheurs ont par exemple été mobilisés pour développer le supercalculateur Tianhe 2, le plus rapide du monde devant Titan qui, lui, est américain1.
D’ores et déjà, le nombre de brevets internationaux déposés par la Chine est le plus important dans le monde. 58 900 demandes ont été enregistrées en 20192. La majorité de ces demandes concernait l’intelligence artificielle et les technologies de la blockchain. Toutefois, la quantité ne correspond pas à une qualité en matière d’innovation.
Malgré les efforts accomplis et le soutien fort de l’État, les capacités d’innovation de la puissance chinoise se heurtent en effet à des contraintes structurelles liées à la nature du système politique. L’accès libre à l’information est une première barrière qui freine les échanges, la fragilité du système légal, l’absence de protection de la propriété intellectuelle et les difficultés d’accès au crédit pénalisent les start-up chinoises les plus innovantes. Enfin, le rôle du Parti communiste dans la définition des priorités, s’il peut jouer un rôle d’accélérateur, pèse aussi sur la liberté d’innover.
Les autorités chinoises exercent des pressions sur leurs partenaires étrangers pour obtenir des transferts de technologie afin d’accomplir les « bonds en avant » nécessaires à une croissance plus rapide de l’économie chinoise. Avec l’administration Trump et une prise de conscience en Europe, l’accès imposé à ces technologies est devenu moins facile. Les coopérations scientifiques et technologiques font également l’objet de plus de vigilance. En 2020, la faible qualité du vaccin chinois contre la Covid-19, développé hors des normes de contrôle internationales, a remis en cause l’ambition de Pékin d’apparaître avec éclat comme la première puissance d’innovation dans le monde.