Le projet des routes de la soie est-il un instrument de la puissance chinoise dans le monde ?

Le projet des routes de la soie est-il un instrument de la puissance chinoise dans le monde ?

En 2013, le président Xi Jinping a lancé son projet-phare de double route de la soie (One Belt One Road, OBOR), présenté comme « le plus important plan de développement de l’histoire moderne1 ». Son nom fait référence aux réseaux de communication vers l’ouest qui avaient été développés sous la dynastie des Han et baptisés « routes de la soie » par le géographe allemand Ferdinand von Richthofen en 1877.

L’objectif de l’OBOR était de renforcer les liens économiques et stratégiques entre la Chine et ses voisins en s’appuyant sur la puissance financière de Pékin. La dimension géopolitique est au centre du projet qui doit permettre à l’économie chinoise de s’imposer comme le leader incontesté en Asie et au-delà. Le projet, appliqué à l’Afrique, à l’Amérique latine, au Pacifique, à l’Europe centrale et méridionale et jusqu’à l’Arctique, a en effet pris une dimension quasi universelle. En termes de contenus les « routes de la soie » sont déclinées en fonction des priorités comme la « route de la soie de la santé » développée en 2020 pour soutenir les stratégies des masques et des vaccins mises en place par Pékin.

La Chine a mis en place plusieurs véhicules financiers destinés aux projets de l’OBOR avec le Silk Road fund et l’Asian Infrastructure Investment Bank (AIIB), qui regroupe 85 pays en 2020. Les banques chinoises se trouvent en première ligne. Initialement, la somme de « 1 000 milliards de dollars » consacrée aux projets de développement a été mise en avant. Pourtant, derrière ces chiffres impressionnants, les réalisations concrètes directement liées à l’OBOR sont limitées. En 2019, le total ne dépassait pas 10 milliards de dollars répartis dans 56 projets. Le corridor Chine-Pakistan, soutenu par les autorités pakistanaises, qui doit relier la ville de Kashgar au Xinjiang au port de Gwadar, construit par les Chinois sur l’océan Indien, est le projet le plus avancé. Mais il suscite aussi des réticences de la part d’Islamabad. Le piège de la dette pèse sur de nombreux partenariats mis en place par Pékin et, avec la crise du Covid-19, les demandes de renégociations se sont multipliées.

Au-delà, le manque de confiance entre la Chine et nombre de ses voisins, ainsi que des attentes contradictoires, freinent la réalisation des objectifs. Alors que la Chine – confrontée à un taux endettement préoccupant – veut préserver la rentabilité de ses investissements, les pays de la région attendent des prêts à des taux d’intérêt préférentiels. De plus, nombre de pays impliqués sont politiquement fragiles et peu solvables. Aussi, les institutions financières chinoises sont-elles moins enthousiastes.

Le concept des « routes de la soie » demeure flou et l’engagement des États qui signent un Memorandum of Understanding (MoU), comme l’Italie en 2019, peu précis. Les « routes de la soie » sont donc moins omniprésentes dans le discours chinois, remplacées par la nouvelle thématique du « futur partagé pour l’humanité » mise en avant par Xi Jinping.