Les statistiques chinoises sont-elles fiables ?
Des progrès considérables ont été accomplis depuis l’époque maoïste, pourtant, la fiabilité des statistiques chinoises n’est toujours pas garantie1. Les analystes chinois le déplorent et préfèrent appliquer la méthode prônée par le Premier ministre Li Keqiang, qui aurait déclaré en 2007 à des interlocuteurs américains que, pour atteindre des chiffres réalistes, il ne tenait compte que des tonnages transportés et de la consommation d’énergie2.
En dépit des réformes économiques et des évolutions de la Commission du plan, dont le dernier avatar est la Commission nationale de développement et de réforme, la Chine continue de définir sur le modèle soviétique les objectifs des grands plans quinquennaux et d’annoncer chaque année le taux – toujours atteint – de croissance de l’année suivante. En 2019, poursuivant une tendance baissière, le taux de croissance a été de 6,2 %. Les chiffres, pour le régime chinois, sont une arme de propagande. En 2020, en raison de la pandémie de Covid-19, aucun chiffre de croissance n’avait été annoncé à l’avance, en revanche, une croissance annuelle positive (+2 %) a été claironnée au mois de décembre, pour souligner la supériorité du système politique chinois.
Les défaillances des statistiques concernent tous les secteurs : la production économique, le taux de chômage, le calcul des inégalités réelles ou le recensement de la population, les commissions de planification familiale au niveau local devant respecter des quotas de naissances autorisées3.
Les raisons sont multiples. Techniquement, les outils utilisés ont certes progressé, mais ils sont plutôt adaptés au calcul de la production des entreprises d’État dans l’industrie ou l’agriculture. Ils prennent beaucoup moins en compte le foisonnement de l’économie chinoise contemporaine, le développement du secteur privé et de celui des services. Au-delà, alors que l’image et l’attractivité de la Chine sur la scène internationale dépendent de son statut de superpuissance économique, la maîtrise des statistiques préserve cette image en lissant les à-coups de croissance que le pays peut connaître.
Les statistiques restent en effet au service du pouvoir politique, le Bureau national des statistiques est sous l’autorité du Parti communiste. Localement, les carrières dépendent de la capacité des dirigeants, à tous les niveaux, à remplir les objectifs définis par le plan, ce qui encourage à manipuler les chiffres. Enfin, la corruption, comme le montre l’arrestation en 2016 de Wang Baoan, chef du Bureau national des statistiques, influe aussi sur un secteur pourtant vital pour piloter au mieux l’économie de la deuxième puissance mondiale.