La Chine sera-t-elle demain une véritable superpuissance ?
La Chine a l’ambition et de nombreux atouts pour devenir une superpuissance. En quelques dizaines d’années, elle a comblé le retard accumulé pendant la période d’errements géopolitiques qui a suivi la prise de pouvoir par le Parti communiste en 1949. D’ores et déjà, elle possède en partie les attributs de la puissance économique, militaire et diplomatique.
Pourtant, la Chine souffre d’un handicap, qui pourrait remettre en cause les progrès accomplis. Ce handicap repose sur l’idée que, si la Chine doit s’ouvrir pour se moderniser et se développer, elle doit aussi préserver la nature de son système politique. Ce refus de changement politique avait déjà brisé l’élan réformiste qui aurait pu s’imposer dans les dernières années de l’Empire, à la fin du XIXe siècle. Aujourd’hui, il risque d’interrompre la montée en puissance d’un régime dont la priorité est d’assurer sa survie.
En se tournant vers un passé de grandeur idéalisée, la Chine du XXIe siècle a construit son rêve de puissance, conçu comme la capacité de venger une humiliation historique. Ce faisant, elle se montre incapable de se tourner vers l’avenir pour se doter des moyens de la puissance adaptés au monde du XXIe siècle fondé aussi sur les valeurs et le soft power. Ce repli sur le passé est accentué par un sentiment d’urgence qui s’est emparé du pouvoir chinois, derrière les apparences de l’assurance.
La principale source du pouvoir d’attraction de la Chine réside dans sa puissance économique et financière, dont elle peut jouer sur tous les continents. Avec le ralentissement de l’économie chinoise, cet avantage se révèle fragile. L’image d’efficacité et de puissance incontournable que projette la Chine est remise en cause et, si le roi n’est pas nu, ses habits se révèlent moins brillants. La pandémie de Covid-19, apparue à Wuhan au mois de décembre 2019, a permis à la Chine de mettre en avant son « efficacité » mais a aussi mis en évidence les faiblesses intrinsèques du système politique chinois.
Sur la scène internationale, la Chine est toujours très isolée. Nonobstant des dizaines de « partenariats stratégiques », elle n’a pas d’alliés en dehors du Pakistan ou de la Corée du Nord. Elle veut être traitée comme un acteur majeur, mais son engagement demeure limité. La présidence tournée vers les États-Unis de Donald Trump lui a permis de se poser en championne du multilatéralisme mais l’agressivité de sa stratégie extérieure et de sa diplomatie est venue contredire ce positionnement.
En matière de normes, la Chine – qui a renoncé à exporter le maoïsme et la révolution – a peu à offrir en dehors de la non-ingérence et du rejet de la domination occidentale, et ses préoccupations fondamentales demeurent avant tout tournées vers ses propres intérêts. Tant qu’elle n’aura pas surmonté ses handicaps, au prix sans doute d’une évolution acceptée, si ce n’est d’un changement de régime, elle ne pourra s’imposer comme la superpuissance du XXIe siècle, et encore moins dans sa région, où le retour à un passé sino-centré ne constitue en rien une option acceptable.