Le partenariat stratégique sino-russe est-il sans nuages ?

Le partenariat stratégique sino-russe est-il sans nuages ?

Les relations entre la Chine et la Russie sont marquées par la complexité et le poids de l’histoire, de l’alliance avec le « grand-frère soviétique » à l’effondrement de l’URSS, qui constitue pour les dirigeants chinois un contre-modèle absolu, en passant par le conflit idéologique qui s’est prolongé des années 1960 à la fin des années 1980.

La Chine met aujourd’hui en avant la proximité des deux puissances qui ont signé en 2012 un « partenariat stratégique global » élevé en 2019 au rang de « partenariat stratégique global pour une nouvelle ère ». La presse officielle chinoise insiste sur la solidité des fondements de ce partenariat, le caractère « gagnant-gagnant » de la coopération économique et technologique et l’approfondissement de la coordination entre Pékin et Moscou sur nombre de sujets de géopolitique étrangère et au sein du Conseil de sécurité de l’ONU.

La Chine est désormais le premier partenaire commercial de la Russie qui est devenue l’un de ses fournisseurs majeurs d’énergie avec la signature de plusieurs accords pétroliers et gaziers. En 2019 les échanges ont atteint 110 milliards de dollars, dont 75 % d’hydrocarbure. Au niveau stratégique, la Chine et la Russie sont opposées à ce qu’elles dénoncent comme la politique d’ingérence des États-Unis et du monde occidental au proche et au Moyen-Orient. Plus concrètement, la Russie a repris ses fournitures d’armes à la Chine sans limite technologique et des exercices militaires conjoints sont régulièrement organisés entre les deux puissances.

Isolé sur la scène internationale depuis l’invasion de la Crimée et la crise en Ukraine, confronté à une politique de sanctions mise en œuvre par les États-Unis et l’Union européenne, Moscou a choisi de s’appuyer sur la Chine, se rattachant aux projets de « routes de la soie » qui s’étendent jusqu’à l’Arctique.

Mais si Pékin et Moscou ont des intérêts communs face à l’Occident, il s’agit surtout d’un partenariat de nécessité en l’absence, pour Moscou, d’alternatives ; la méfiance réciproque n’a pas disparu, fragilisant à terme cette relation. Le déséquilibre des échanges économiques est une des principales sources de frustration. Moscou n’apprécie pas d’être relégué au rang de simple fournisseur de matières premières par la Chine. Dans la zone arctique, la Russie se méfie des ambitions chinoises. Lors de l’épidémie de Covid-19, la Russie a été l’un des premiers pays à fermer ses frontières avec la Chine et Moscou apprécie peu l’activisme de Pékin en matière de vaccin vers les pays émergents.

Stratégiquement, ni Pékin ni Moscou n’acceptent de soutenir pleinement leurs revendications territoriales réciproques. La Russie ne soutient pas la Chine dans ses revendications territoriales avec l’Inde, le Vietnam, les Philippines, ni même le Japon. À ceci s’ajoute la pression démographique chinoise en Extrême-Orient qui, bien qu’elle ait été exagérée, accroît le sentiment d’asymétrie entre une puissance russe insatisfaite de son déclin, et une puissance chinoise désireuse de prendre sa revanche sur l’histoire, y compris face à Moscou.