Le soft power de la Chine est-il convaincant ?

Le soft power de la Chine est-il convaincant ?

Depuis le milieu de la décennie 2000, la puissance chinoise a décidé d’investir dans l’accroissement de son soft power1. Les sommes consacrées à cet important effort sont estimées à 10 milliards de dollars par an2.

S’appuyant sur son attractivité économique, l’étude de la langue chinoise a été encouragé. Plus de 500 instituts Confucius ont été ouverts dans 125 pays depuis 2004. La Chine encourage également l’internationalisation de son agence de presse officielle Xinhua et de la télévision d’État CCTV. Le quotidien China Daily, version en anglais de la presse officielle, achète des espaces dans les grands journaux étrangers et d’immenses annonces sont projetées sur Times Square à New York. Et surtout, alors que ces réseaux sociaux sont interdits en Chine, Pékin, de ses diplomates aux « bots », a envahi la twittosphère.

Pourtant, les résultats sont limités et son attractivité repose d’abord sur les moyens économiques que l’État-Parti – qui n’est soumis à aucune contrainte démocratique – peut mobiliser. Se sont ces moyens qui favorisent l’influence de la Chine dans les pays émergents. Selon un sondage sur le soft power publié en 2019, la Chine se situe au 27rang sur une échelle de 30 pays étudiés3. Les réactions à l’agressivité croissante du discours chinois sont nombreuses. On dénonce l’influence chinoise dans les universités étrangères et les pressions exercées. De nombreux instituts Confucius, dénoncés comme des instruments d’influence centralisés par Pékin, ont fermé aux États-Unis, en Australie et en Europe.

Alors que le soft power repose sur le dynamisme et la créativité de la société civile, les initiatives chinoises sont pilotées depuis le sommet de l’État et du Parti. Le département de la propagande extérieure du Parti communiste contrôle le contenu du discours et l’image de la culture chinoise qu’il souhaite projeter. Cette image reconstruite et souvent caricaturale de la « Chine éternelle » ne correspond pas aux attentes des publics étrangers. Les sujets abordés dans le cadre des instituts Confucius sont censurés et, malgré les financements généreux qui leur sont attachés, plusieurs universités et centres de recherche remettent en cause ces partenariats. Sur Twitter, les « loups combattants » se sont livrés à tous les excès lors de la pandémie de Covid-19.

Autre vecteur du soft power, le cinéma chinois est apprécié à l’étranger, mais les films les plus reconnus sont les films d’auteur, qui se situent en marge du système, et sont peu distribués en Chine : Chen Kaige (Adieu ma concubine, Palme d’or de Cannes 1993), Zhang Yimou (Le Sorgho rouge, Ours d’or de Berlin 1987) ou plus récemment Jia Zhangke (Still Life, Lion d’or de Venise 2006)… Un autre cinéaste, Ang Lee, taïwanais et vivant aux États-Unis, a contribué églement à cette reconnaissance internationale, avec Crouching Tiger, Hidden Dragon (2011). En revanche, les blockbusters, formatés pour servir l’image de la puissance chinoise à l’extérieur, comme La Grande Muraille (2016), réalisé par un Zhang Yimou devenu plus officiel, ne rencontrent aucun succès. Et si Wolf Warrior a été un succès, c’est sur le territoire chinois et en reprenant les codes du cinéma américain.

En littérature, il faut attendre 2012 pour que la Chine obtienne un prix Nobel avec Mo Yan, effaçant l’humiliation du prix Nobel précédent, attribué en 1989 à Gao Xingjian, un écrivain chinois exilé en France.