L’UE est-elle un acteur important pour la puissance chinoise ?
Pour la puissance chinoise, l’Union européenne (UE) est un partenaire qui compte, mais avec lequel les relations sont extrêmement asymétriques. Alors que l’UE se présente comme une puissance d’un nouveau type, prescriptrice de normes et porteuse de valeurs plus que des instruments traditionnels de la puissance, la Chine, au contraire, se veut le défenseur d’une conception classique de la puissance des États souverains. Face à l’État chinois, l’Union européenne ne peut opposer qu’une entité plus floue, même si on assiste à l’émergence d’une « Europe puissance ».
Toutefois, Pékin insiste sur la nécessité du développement des relations diplomatiques entre la Chine et l’Europe. L’UE est en effet pour la Chine le premier partenaire commercial, devant les États-Unis, avec des échanges qui ont atteint 560 milliards de dollars. Et, comme pour les États-Unis, ces relations sont déficitaires pour l’UE (164 milliards de dollars en 2019). L’Europe – surtout l’Allemagne – était aussi devenue une source de transferts de haute technologie pour la Chine, dans le cadre du plan Made in China 2025, dont l’objectif était de rendre possible la montée en gamme de l’industrie chinoise. Toutefois, en 2019 les investissements chinois en Europe n’ont pas dépassé 19 milliards de dollars, en chute de 83 % par rapport à 2017.
En Europe, la Chine symbolise aussi les effets les plus négatifs de la globalisation, avec des échanges déséquilibrés, le contournement des règles de l’OMC et du droit de la propriété intellectuelle, et des délocalisations vers un pays qui ne respecte pas le même niveau de normes sociales et environnementales. Signe de cette méfiance croissante, en 2019, la Commission européenne a qualifié la Chine de « rival systémique » et adopté un mécanisme de contrôle des investissements dans les secteurs stratégiques. Pékin a tenté de jouer des divisions internes à l’Europe en soutenant les pays du Sud et de l’Est avec des résultats moins probants. La crise du Covid-19 et la diplomatie agressive de la Chine ont provoqué de nombreux phénomènes de rejet dans les États membres et à la Commission.
Pékin ne reconnaît pas le principe d’universalité des valeurs que l’Union européenne ambitionne de porter. Stratégiquement, l’UE, pour la Chine, ne peut jouer un rôle positif qu’en tant qu’instrument dans le cadre de la rivalité sino-américaine. Ainsi, au mois de décembre 2020, la signature par l’Union européenne d’un accord d’investissements, au contenu peu précis et sans engagement sur le travail forcé, a constitué pour Pékin une victoire diplomatique1. Si l’Europe refuse de jouer ce rôle, son importance pour la puissance chinoise, en dehors de la dimension économique, demeure marginale.