Pourquoi la rivalité sino-indienne persiste-t-elle ?
La Chine a longtemps méprisé l’Inde, mais aujourd’hui elle s’en inquiète. Sa montée en puissance diplomatique et économique a été plus lente que celle de la RPC, mais la croissance indienne, 6,1 % en 2018-2019, rejoint celle de la Chine avant le coup de frein de la crise du Covid-19 en 2020.
Idéologiquement, l’Inde, plus grande démocratie dans le monde, se positionne en contre-modèle face à la RPC, dernier grand régime communiste de la planète. Technologiquement, l’Inde, dans certains domaines de la high-tech, se situe pour les contenus devant la Chine.
Pékin et Delhi partagent le même attachement aux cinq principes de la coexistence pacifique, hérités de la conférence de Bandung en 19531. En revanche, leurs conceptions de la multipolarité diffèrent. L’Inde se perçoit comme un pôle majeur du système mondial quand la Chine veut faire de l’Asie un pôle unique dont elle serait le centre.
Au-delà de ces divergences de principe, les conflits territoriaux et les enjeux de sécurité occupent une place prépondérante dans la relation sino-indienne et ne sont toujours pas résolus, en dépit du développement des échanges commerciaux. Hérité de la guerre de 1962 initiée par la RPC, le conflit territorial entre l’Inde et la Chine porte sur un territoire, occupé par la Chine, de plus de 130 000 kilomètres2 dans l’Aksaï Chin et au Cachemire, et dans la région de l’Arnachal Pradesh, contrôlée par l’Inde. En 2020, des incidents graves ont eu lieu au Ladakh après que des soldats chinois aient franchi la ligne de démarcation. La présence du Dalaï-Lama sur le territoire indien après sa fuite en 1959 constitue un autre sujet d’irritation pour Pékin. L’Inde s’inquiète aussi de la montée en puissance des activités navales de la Chine dans l’océan Indien, qui viennent menacer la suprématie de New Delhi dans la région.
Pour l’Inde, le soutien constant de Pékin au Pakistan s’inscrit aussi dans une volonté d’affaiblissement de sa suprématie. De son côté, la Chine s’inquiète du rapprochement stratégique entre New Delhi, Tokyo et Washington, qui apparaît à ses yeux comme une coalition des « démocraties maritimes » pour contenir la Chine. La deuxième réunion du Quad s’est tenue à Tokyo en 2020 et plusieurs exercices conjoints ont eu lieu en mer de Chine et dans l’océan Indien. Autre sujet d’inquiétude, l’Inde, depuis 1998, est devenue une puissance nucléaire de fait, et New Delhi poursuit le développement de ses capacités nucléaires et balistiques pour s’approcher de la parité avec la Chine2. Ainsi, au mois de janvier 2017, l’Inde a procédé à deux essais de missiles intercontinentaux, défi direct à la domination stratégique chinoise dans la région.