Que signifient les tensions de la Chine avec Taïwan ?
L’élection de Tsai Ing-wen à la présidence de la République de Taïwan en 2016, puis sa réélection triomphale en pleine épidémie de Covid-19 en 2020, a initié à Pékin une reprise de la stratégie de la tension.
Dans le cadre d’une démocratie taïwanaise pleinement fonctionnelle, y compris en matière d’alternance politique, Tsai Ing-wen, première femme à être élue à la présidence de la République dans le monde chinois, a succédé à Ma Ying-Jeou, dont le parti du Kuomintang1 plaide en faveur de relations diplomatiques « apaisées » avec la Chine et soutien le « consensus de 1992 », qui reconnaît le principe d’une seule Chine, sans définir précisément quelle est cette Chine.
Le DPP « indépendantiste », soutient de Mme Tsai, n’est pas favorable à une déclaration d’indépendance qui donnerait le prétexte à Pékin d’une éventuelle intervention militaire. Le statu quo est en effet l’option raisonnable partagée dans sa très grande majorité par la population taïwanaise et par la présidente de la République. Cette dernière, en revanche, refuse de réaffirmer son adhésion au consensus de 1992 et considère que l’avenir de Taïwan doit être décidé par les Taïwanais eux-mêmes, démocratiquement consultés. La grande force de Taïwan face à la République populaire de Chine est en effet d’offrir un modèle et une alternative démocratique en pointe sur les évolutions politiques et sociétales. Taïwan est la première grande démocratie d’Asie à avoir autorisé le mariage gay.
Dans le même temps, la Chine de Xi Jinping a choisi le retour à une forme de totalitarisme. Le choix de la répression à Hong Kong, dès le milieu des années 2010, et l’adoption d’une loi de sécurité nationale imposée par Pékin, a vidé de tout son sens le discours officiel de la RPC sur « un pays, deux systèmes » censé convaincre Taïwan de l’innocuité d’une unification avec la Chine.
La défaite humiliante du candidat du Kuomintang, soutenu par Pékin lors des élections de 2020, a renforcé la volonté de Xi Jinping d’affirmer la puissance de la Chine et du Parti communiste chinois face au modèle taïwanais.
Mais Taïwan, indépendant de fait, n’est pas Hong Kong. Aucune loi ne peut y être imposée de l’extérieur et l’identité chinoise est de plus en plus rejetée. Pour un régime chinois qui recherche la légitimité dans un nationalisme exacerbé et qui fonctionne avec les concepts de vengeance et d’humiliation, faire plier Taïwan pourrait être une tentation forte. La RPC n’a en effet jamais renoncé au recours à la force pour imposer la « réunification de la patrie ».
La crise du Covid-19 a mis en évidence les succès sanitaires et économiques de Taïwan en 20201, et a souligné l’absurdité des vetos chinois à toute représentation de l’île dans les instances internationales, y compris l’OMS.
La Chine multiplie donc les manœuvres et les exercices aériens aux abords de l’île, pénétrant parfois dans son espace aérien. Il s’agit aussi de tester la nouvelle administration américaine qui, avec l’arrivée au pouvoir de Joe Biden, réaffirme la volonté de poursuivre la politique de resserrement des liens avec la démocratie taïwanaise suivie par Donald Trump.