Quelles sont aujourd’hui les ambitions maritimes de la Chine ?

Quelles sont aujourd’hui les ambitions maritimes de la Chine ?

Depuis 2012, la Chine a fait de sa détermination à devenir une puissance maritime de premier ordre une stratégie nationale. En 2015, le Livre blanc sur la stratégie militaire précisait cet objectif : « La Chine doit abandonner sa mentalité traditionnelle, qui plaçait la terre au-dessus de la mer, et comprendre l’importance de la protection de ses droits et intérêts maritimes. »

La question du prestige, dans cette volonté affichée, est cruciale. Une grande puissance, selon les termes d’Alfred Mahan, que les Chinois ont beaucoup lu, ne peut être qu’une puissance maritime1. Cette ambition est liée à l’histoire et rejoint le discours officiel sur le siècle d’humiliation subi par la Chine. En 2005, les autorités chinoises ont célébré en grande pompe le six centième anniversaire des expéditions de l’amiral Zheng He. Cette redécouverte visait à faire oublier que la Chine n’a pas su faire face aux grandes puissances venues de la mer.

La volonté chinoise de devenir une puissance maritime et de se doter de moyens de protéger ses voies de communication sur mer est également liée au développement considérable des intérêts diplomatiques chinois à l’étranger. La RPC est devenue la première puissance commerciale du monde et près de 50 millions de Chinois vivent hors de Chine, sur tous les continents2.

Pour la Chine, la puissance maritime signifie aussi une capacité de contrôle et d’interdiction accrue dans sa propre zone, qui menace le principe de liberté de circulation sur mer. Pékin considère que l’ensemble des îles et îlots situés en mer de Chine, à l’intérieur d’une première chaîne d’îles qui va des Kouriles à l’Indonésie, en passant par le Japon et les Philippines, lui reviennent de droit pour des raisons historiques. Depuis 2010, ces revendications sont qualifiées « d’intérêts vitaux » et les capacités navales et maritimes de la Chine doivent lui donner les moyens d’imposer sa souveraineté sur ces territoires.

En 2013, Pékin a déclaré en mer de Chine orientale une zone d’identification de défense aérienne (ADIZ) qui fait polémique. Au-delà, le développement des capacités navales de la Chine doit lui permettre de dissuader, puis d’interdire, toute action des États-Unis dans son environnement proche.

Résultat d’un effort constant, la Chine a accompli des progrès dans tous les domaines de la puissance maritime. Elle est devenue depuis 2010 le premier constructeur naval mondial3. En 2019, le trafic de containers dans les ports chinois représentait 231 millions de TEU (twenty-foot equivalent unit), en augmentation de 32 % depuis 2012. Pékin possède des intérêts dans la majorité des plus grands ports, de Gwadar au Pakistan au Pirée en Grèce, en passant par le Sri Lanka et Djibouti, où pour la première fois la RPC dispose d’une base logistique militaire à l’étranger. Le projet de route maritime de la soie accompagne ce développement considérable des intérêts maritimes vers l’océan Indien et la Méditerranée.

La marine chinoise, longtemps parente pauvre de l’APL, est – en nombre de bâtiments et de sous-marins – la deuxième dans le monde derrière celle des États-Unis et les porte-avions chinois incarnent cette puissance navale4. La Chine dispose aussi de la plus importante flotte de garde-côtes dans le monde, 200 bâtiments dotés de moyens de plus en plus performants.

Pourtant, en dépit de cette montée en puissance impressionnante, les capacités navales de la Chine sont encore limitées, en particulier dans l’hypothèse d’un conflit impliquant les États-Unis. La marine chinoise n’a pas et n’aura pas à moyen terme le moyen de contrôler ses voies de communication, d’interdire un éventuel blocus des approvisionnements en pétrole en provenance d’Afrique et du Moyen-Orient, ou même de remporter un éventuel conflit en mer de Chine.