La Chine a-t-elle été une grande puissance maritime ?
En 2005, la Chine a célébré avec faste le six centième anniversaire des expéditions de l’amiral Zheng He, symbole d’un glorieux passé maritime sur lequel Pékin souhaite fonder la renaissance de sa puissance navale. Au début du XVe siècle, dans les premières années de la dynastie des Ming, entre 1405 et 1433, l’empereur Yongle a confié l’organisation de sept expéditions vers l’Asie du Sud-Est, l’océan Indien et les côtes d’Afrique à Zheng He, un eunuque musulman d’origine persane.
Les expéditions suivent les anciennes routes commerciales ouvertes par les dynasties chinoises précédentes pour commercer avec le monde arabe. Yongle voulait étendre le système tributaire et l’influence de l’Empire dans l’océan Indien jusqu’à la péninsule Arabique et aux côtes orientales de l’Afrique. Si les voies ne sont pas nouvelles, l’importance de la flotte, composée de centaines de bâtiments et de dizaines de milliers d’hommes, était semble-t-il impressionnante.
Les expéditions de Zheng He marquent toutefois la fin des aventures maritimes de l’histoire de la Chine impériale. Dénoncées par les successeurs de Yongle comme étant contraires aux principes confucéens du bon gouvernement, les expéditions ont été interrompues. Alors que, après une période de paix, les ressources de l’Empire sont de nouveau mobilisées contre la menace des tribus nomades du Nord, des édits d’interdiction du commerce maritime sont imposés par la dynastie des Ming, puis par celle des Qing. Les flottes et les chantiers navals sont sabordés et les ports privés d’accès. Pour lutter contre le fléau endémique de la piraterie, les côtes sont vidées de leurs habitants.
Le commerce maritime régional se maintient autour d’initiatives privées et ceux qui s’y livrent encourent potentiellement la peine de mort. Enfin, les possessions maritimes de l’Empire, dont l’île de Taïwan, ont toujours été considérées comme marginales, lieu d’exil pour les bannis, refuge pour les rebelles hostiles à la nouvelle dynastie mandchoue des Qing.
Face à l’irruption des puissances occidentales, puis japonaises, dans la seconde moitié du XIXe siècle, la puissance chinoise ne parvient pas à affronter cette menace venue de la mer et l’absence de marine moderne a contribué à l’effondrement rapide de l’Empire. Si l’utilisation par l’impératrice Cixi (1835-1908) des fonds destinés à l’acquisition d’une flotte moderne pour la construction d’un bateau de marbre dans les jardins du palais d’été à Pékin est sans doute apocryphe, cette légende symbolise l’incapacité de la Chine, jusqu’à très récemment, de se pourvoir des véritables moyens de la puissance, notamment navale. En se dotant, quatre-vingt-dix ans après le Japon, de son premier porte-avions, Pékin a cherché à effacer cette humiliation.