La Chine dans l’histoire : État ou concept ?
Qu’est-ce que la Chine ? Zhongguo, qui la désigne en chinois, est composé de deux caractères (中国) qui signifient « centre » ou « milieu » et « pays » ou « État ». Le terme est ancien, on le trouve mentionné dès la plus haute Antiquité, sous la dynastie des Zhou (1046-256 av. J.-C.), mais son acception, jusqu’au XIXe siècle, était très éloignée du concept moderne d’État-nation.
Dans l’Antiquité, Zhongguo pouvait désigner l’ensemble des clans les plus proches du souverain, installés dans la boucle du fleuve Jaune, l’un des berceaux de la civilisation chinoise et de l’histoire de la Chine. Une distinction fondamentale était établie entre l’espace de la « civilisation1 » et les espaces barbares plus éloignés du cœur du pouvoir. Pourtant, ce n’est pas le terme Zhongguo qui est utilisé pour désigner l’Empire céleste2 en Occident, mais « Chine », sans doute dérivé du nom de la première dynastie impériale des Qin (221-206). Les dynasties successives imposaient leur nom au monde sur lequel l’Empereur, détenteur du « mandat du Ciel3 », exerçait son autorité. Ainsi, sous la dernière dynastie des Qing, qui régna de 1644 à 1911, la Chine était le « grand Empire Qing4 ».
Par-delà les contingences historiques, la Chine était aussi un système de valeurs et une culture qui, contrairement aux civilisations plus anciennes comme celle de l’Égypte pharaonique, s’est perpétuée à travers les siècles en s’appuyant sur un système d’écriture préservé, celui des caractères chinois toujours en usage.
À la fin du XIXe siècle, alors que l’Empire était soumis aux pressions des puissances occidentales et qu’il subissait une défaite humiliante face au Japon, ceux qui voulaient le sauver en mettant en œuvre des réformes inspirées du Japon de Meiji déploraient que la Chine fût un État sans nom, reflet de sa faiblesse et de l’absence de conscience nationale.
La dernière dynastie mandchoue, depuis le traité de Nerchinsk signé en 1689 avec la Russie, utilisait parfois le terme de Zhongguo dans les documents diplomatiques pour désigner l’espace de souveraineté revendiqué par l’Empire. Ce terme, porteur d’une dimension historique, s’est imposé pour désigner la Chine et accompagner, au début du XXe siècle, le rêve de renaissance de la puissance chinoise. Le fait qu’il n’ait pas été repris dans les langues occidentales, qui ont conservé leurs propres appellations, démontre la dichotomie qui subsiste entre la Chine vue de l’extérieur et le monde chinois, tel qu’il se perçoit – et se nomme – de l’intérieur.