Pourquoi l’ouverture au monde occidental de la Chine a-t-elle été un traumatisme ?

Pourquoi l’ouverture au monde occidental de la Chine a-t-elle été un traumatisme ?

Dans un discours prononcé en 2015 à l’occasion du soixante-dixième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale en Asie, le président Xi Jinping a déclaré : « Cette victoire a mis fin à l’humiliation nationale de la Chine et à la série de défaites subies face aux agressions étrangères. » En 1949, Mao Zedong lui-même proclamait du haut de la porte Tiananmen à Pékin, pour annoncer l’instauration de la République populaire de Chine (RPC), que « la Chine s’est levée ».

Le discours sur l’humiliation nationale subie au contact du monde extérieur est donc récurrent. Consubstantiel du discours de légitimité du Parti communiste chinois, il s’appuie sur le traumatisme historique de la prise de conscience brutale, au XIXe siècle, de la faiblesse d’un Empire qui se concevait comme tout-puissant. Les dynasties étrangères, qui se sont imposées au cours de l’histoire chinoise, Yuan mongols ou Qing mandchous, s’étaient soumises aux valeurs d’une culture chinoise dominante. Ce mode de fonctionnement a perpétué l’idée de la supériorité de la civilisation chinoise.

Au centre de l’univers, l’empereur ne concevait le monde que comme un vaste espace où les États tributaires reconnaissaient la légitimité de sa suzeraineté bienveillante. Longtemps quasi inconnu, le monde occidental faisait partie des marges, éloignées mais également soumises, en théorie, aux règles de l’Empire céleste. Porteurs de science et de présents, les missionnaires jésuites, introduits à la cour entre le XVIe et le XVIIIe siècle, respectent cette fiction. Seul, en 1792, Lord Macartney, ambassadeur du Royaume-Uni, refuse de se plier aux rites du kowtow1. En guise de réponse, l’empereur Qianlong rejette les demandes de concessions commerciales qu’il juge dangereuses et inutiles pour un Empire chinois qui « possédait toutes les richesses nécessaires ».

Moins d’un demi-siècle plus tard, l’ouverture forcée du territoire aux intérêts étrangers, imposée par les guerres de l’opium entre 1839 et 1860, constitue pour la dynastie toujours au pouvoir un choc majeur. Face à un corps expéditionnaire étranger réduit, mais décidé à imposer l’ouverture du territoire au commerce de l’opium produit en Inde, et aux échanges extérieurs, les armées impériales sont défaites, et le mythe de la supériorité de l’Empire est brisé.

Les traités inégaux imposés par les puissances occidentales ouvrent la voie à une présence étrangère durable à laquelle la dynastie n’a pu s’opposer. L’irruption de l’Occident, au milieu du XIXe siècle, a donc été perçue par les élites dirigeantes comme un défi absolu. Leur seule réponse a été la mobilisation d’un nationalisme xénophobe, parfois violent comme lors de la révolte des Boxers en 1900, encouragée par les éléments les plus conservateurs de la cour.