Qu’est-ce que le monde sinisé ?

Qu’est-ce que le monde sinisé ?

Dès la dynastie des Han (206 av. J.-C./220 ap. J.-C.), le monde chinois s’étend du nord de la péninsule coréenne aux franges septentrionales de l’actuel Vietnam. Cette extension de l’espace territorial s’est accompagné en Asie de l’Est d’un phénomène d’acculturation, proche de ce que l’Europe romaine a connu, qui donne naissance au monde sinisé.

La péninsule coréenne, le nord de la péninsule indochinoise, puis le Japon, par l’intermédiaire des royaumes coréens soumis à l’influence de la culture chinoise, ont été incorporés au monde sinisé, partageant des valeurs, des pratiques culturelles et des croyances qui ont influencé l’organisation politique et sociale de ces entités politiques demeurées en dehors de l’espace chinois proprement dit.

Plusieurs éléments caractérisent cette culture dominante étendue à l’ensemble du monde sinisé. L’écriture en est le premier élément commun. Les caractères chinois élaborés à partir du IImillénaire avant notre ère et unifiés dès le IIIe siècle av. J.-C se sont imposés dans un monde qui ne possédait pas de système d’écriture. Le principe de l’écriture chinoise, où chaque caractère possède un sens mais peut être prononcé librement, a grandement contribué à l’unification – dans le monde des élites – de cet espace sinisé.

Vecteur de civilisation et de culture, la langue chinoise a permis la diffusion d’un corpus philosophique où le confucianisme, devenu doctrine d’État sous les Han, a joué un rôle majeur, façonnant l’organisation politique et les rapports sociaux. Au cours de son histoire, l’influence de la Chine s’est faite également sentir dans les codes juridiques adoptés, ou plus prosaïquement les principes d’urbanisme ou les modes de consommation de la nourriture avec l’utilisation des baguettes.

Mais les pays d’Asie de l’Est, qui avaient conservé ou retrouvé un statut d’autonomie politique dans le cadre du système tributaire, ont développé une identité spécifique, s’affranchissant progressivement de la tutelle du modèle chinois. Là encore, c’est par l’écriture que cette autonomie s’est affirmée. Dès le IXe siècle au Japon, les kanas sont introduits parallèlement aux caractères chinois. Grâce à ce système de transcription, une littérature de cour purement japonaise naîtra au XIe siècle. Le royaume de Yi occupe alors une partie importante de la péninsule coréenne. C’est là que le roi Sejong créera au XVe siècle le système de transcription national hangul. Enfin, au Vietnam, au XVIIe siècle, un système de transcription romanisé, élaboré par les missionnaires jésuites, s’imposera peu à peu.

L’appartenance au monde sinisé n’a donc pas interdit l’émergence de particularités nationales. Pourtant, de nos jours, à Pékin, le discours sur la renaissance de la puissance chinoise s’appuie sur un rêve de retour au passé, où la prédominance culturelle et politique de l’Empire de Chine était unanimement reconnue dans l’ensemble du monde sinisé.