Qui étaient les gardes rouges pendant la Révolution culturelle chinoise ?
Au mois de février 2015, au cours d’une visite émouvante à Liangjiahe, Xi Jinping déclare que c’est là qu’il a « laissé son cœur ». Envoyé à la campagne comme près de 20 millions d’autres « jeunes instruits » pendant la Révolution culturelle, celui-ci a vécu sept ans dans ce village situé dans une région pauvre du Nord. Xi Jinping est le premier dirigeant chinois post-révolutionnaire à avoir passé les années les plus sensibles de son adolescence dans l’environnement profondément traumatique d’une Chine plongée dans l’anarchie ultra-violente.
Le président chinois a 13 ans en 1966 lorsque Mao Zedong, marginalisé depuis l’échec du Grand Bond en avant, lance la « grande Révolution culturelle prolétarienne » en appelant la jeunesse organisée en unités de gardes rouges à « faire feu sur le quartier général1 ». Pour reprendre le pouvoir sur l’appareil du Parti communiste, qui lui a échappé, Mao appelle à la Révolution permanente, à la destruction des « choses anciennes » et à la lutte contre l’autorité.
La Chine sombre dans la guerre civile. L’enseignement, les programmes de recherche sont interrompus. Les « rouges » révolutionnaires l’emportent sur les intellectuels « experts ». Le Petit Livre rouge des citations de Mao Zedong devient l’unique bréviaire autorisé. Une génération privée d’éducation formelle pendant plus de dix ans est ainsi perdue. Dès 1968, le mouvement d’envoi des jeunes instruits à la campagne est lancé, il se prolonge jusqu’en 19802.
Fils d’un vétéran de la Révolution et vice-Premier ministre ayant été victime d’une lutte interne au Parti communiste dès 1962, Xi Jinping fait partie des catégories « noires » dont « l’origine de classe » est mauvaise. Il subit de plein fouet les violences de la Révolution culturelle. Sa sœur aînée se suicide, sa mère le dénonce publiquement, et il ne revoit son père qu’en 1972. Pourtant, Xi Jinping semble dorénavant tenté par un retour aux pratiques autoritaires, dont le recours aux purges et au culte de la personnalité qui ont marqué sa jeunesse.
La Révolution culturelle, qui aurait fait plus de 1,5 million de morts, ne s’achève qu’avec la mort de Mao Zedong le 9 septembre 1976. Comme le Grand Bond en avant, elle fait partie des sujets tabous en Chine. Ni Mao Zedong ni le fonctionnement du système n’ont été remis en cause. Pour les dirigeants de la puissance chinoise, qui a pourtant connu des évolutions majeures depuis la fin de la Révolution culturelle, préserver la légitimité du Parti communiste en contrôlant les épisodes les plus controversés de l’histoire de la RPC demeure la priorité.