Entre slogans et culte de la personnalité : la Chine redevient-elle maoïste ?

Entre slogans et culte de la personnalité : la Chine redevient-elle maoïste ?

La réforme politique des institutions du Parti communiste mise en place par Deng Xiaoping au début des années 1980, grâce notamment au principe de direction collective, voulait éviter le retour aux dérives du culte de la personnalité et de la Révolution culturelle. Il s’agissait en outre d’assurer une succession apaisée qui garantisse aux dirigeants précédents et à leur clan un niveau de sécurité leur permettant d’accepter de se retirer du pouvoir suprême sans risque. En 2012, l’élimination de Bo Xilai, fils de Prince rouge comme Xi Jinping, le tout-puissant chef du Parti de Chongqing, s’explique par la volonté des dirigeants de l’époque d’éviter l’émergence d’un leader charismatique qui avait introduit dans son fief des pratiques de culte de la personnalité et de propagande inspirées de la Révolution culturelle.

Xi Jinping semblait plus consensuel à ses pairs. Élevé au rang de « noyau dirigeant1 » en 2016, titre que n’avait pas obtenu son prédécesseur, Xi Jinping, formé à l’école du maoïsme révolutionnaire, surnommé « oncle Xi2 », a laissé se développer une production d’affiches de propagande et de clips sur Internet, proches de l’imagerie de la Révolution culturelle, alors que le culte de la personnalité de Mao Zedong était à son apogée. L’Orient est à nouveau rouge, court-métrage à la gloire de Xi Jinping, se réfère directement à l’hymne maoïste des années 1960, L’Orient est rouge. Centrés sur la thématique du « rêve chinois », mot d’ordre lancé par Xi Jinping à son arrivée au pouvoir, les slogans envahissent l’espace public. Et, à la télévision, la diffusion de films de propagande et de spectacles nationalistes s’intensifie. À l’étranger les réalisations du président Xi Jinping sont constamment mises en avant par la propagande chinoise, et notamment sa « victoire contre la Covid-19 ».

Avec une volonté apparente de contourner le principe de direction collective, Xi Jinping a pris la tête d’une dizaine de commissions importantes, telles que la Commission sur la sécurité nationale, celle sur l’approfondissement des réformes, sur les affaires financières et économiques ou sur l’intégration de la production civile et militaire.

S’il a pu imposer une image de leader suprême en s’appuyant sur l’appareil de propagande, la libéralisation de la société chinoise depuis quelque quarante ans limite en partie la portée de ce retour en arrière. Les dirigeants qui partagent le pouvoir avec Xi Jinping ne semblent pas disposés à abandonner totalement le principe de collégialité qui, depuis la fin des années 1970, a garanti une certaine stabilité à la direction chinoise et des oppositions, de la part des cadres importants du Parti, se sont exprimées. Ces oppositions entraînent désormais des arrestations.