La Chine est-elle une dictature sans dissidents ?

La Chine est-elle une dictature sans dissidents ?

Si les dissidents chinois sont moins visibles internationalement que ne l’étaient les dissidents soviétiques, héritiers d’une longue tradition d’intelligentsia, ils existent : des dizaines d’entre eux sont soit emprisonnés soit interdits de séjour en RPC. L’activisme ouvertement politique est toutefois limité par la répression. Pourtant, des formes de protestation se sont développées, comme le refuge dans la religion : plus de 62 % des croyants chinois ont entre 16 et 39 ans.

Trois noms symbolisent la dissidence depuis la fin des années 1970. En 1979, Wei Jinsheng, un jeune électricien du zoo de Pékin, a participé au mouvement du Printemps de Pékin utilisé par Deng Xiaoping pour abattre les factions maoïstes actives au sommet du Parti. En publiant et en signant La Cinquième Modernisation, la Démocratie, Wei Jinsheng allait à l’encontre de l’objectif des réformes mises en œuvre par Deng Xiaoping, consistant à assurer la survie et le renforcement du pouvoir du Parti, et non sa disparition. Condamné à la prison pour avoir « dévoilé des secrets d’État », condamné de nouveau en 1996, Wei Jinsheng a été finalement expulsé vers les États-Unis en 1997.

Wu Er’Kaixi a été l’un des principaux responsables des manifestations pour la démocratie organisées place Tiananmen à Pékin au printemps 1989. Élu à la tête de la confédération autonome des étudiants chinois, organisateur d’une grève de la faim, il a tenu tête au Premier ministre Li Peng, accusé de ne pas avoir rencontré les représentants du mouvement étudiant en dépit de son ampleur massive. Ayant réussi à fuir après la répression violente du mouvement le 4 juin 1989, il vit désormais à Taïwan.

Troisième figure majeure, Liu Xiaobo, écrivain et enseignant, a signé la Charte 08, diffusée sur Internet le 10 décembre 2008 pour célébrer le soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Se revendiquant du modèle de la Charte 77 publiée par des dissidents tchèques en faveur du respect des droits de l’homme comme le prévoyait la conférence d’Helsinki de 1975, cette initiative a particulièrement inquiété le pouvoir chinois. La Charte 08 demandait en effet la fin du système de Parti unique et la séparation des pouvoirs. Arrêté en 2008, Liu Xiaobo a été condamné en 2009 à onze ans de prison pour subversion. Il reçoit le prix Nobel de la paix – sans que ni lui ni son épouse ne puissent se rendre à Stockholm – en 2010. Toujours emprisonné, il meurt d’un cancer du foie non soigné le 13 juillet 20171.

Malgré sa résilience, la dissidence organisée en Chine est fragilisée par la répression qui frappe les opposants, les avocats ou les journalistes indépendants. En 2017, plus de 200 avocats, défenseurs revendiqués des Droits de l’homme et du respect des droits constitutionnels, ont été arrêtés. La répression s’est encore renforcée en 2020 à l’occasion de la pandémie de Covid-19, pour faire taire toute voix contestant la version officielle des faits. Des « blogueurs-citoyens » ont disparu ou ont été arrêtés et condamnés à de lourdes peines, comme les médecins qui avaient tenté de lancer une alerte dès la fin du mois de décembre 2019.