La lutte contre la corruption en Chine est-elle un instrument de pouvoir ?

La lutte contre la corruption en Chine est-elle un instrument de pouvoir ?

Dès 2012, le président Xi Jinping a lancé une campagne de lutte contre la corruption qui frappe les instances du Parti, de l’État, de l’armée et des grandes entreprises. Cette mesure répond à un constat réel déjà effectué par ses prédécesseurs. En l’absence de système légal, alors que le Parti communiste est placé en tant qu’organe dirigeant incontestable au-dessus du système judiciaire, la tentation de la corruption est au cœur du système. Quand les cadres décident de tout et que les intérêts en jeu sont considérables, la modestie des salaires officiels ne peut qu’encourager une pratique impossible à endiguer sans une remise en cause profonde des règles de fonctionnement du système politique en Chine. Si elle a toujours existé, la corruption s’est accrue avec l’ouverture économique et le développement rapide de ces trente dernières années. Les sommes en jeu considérables aggravent les inégalités qui minent la légitimité du Parti communiste.

Mais la lutte contre la corruption et son bras armé, la toute-puissante Commission centrale de contrôle de la discipline du Parti communiste, sont aussi des instruments au service du pouvoir dans les luttes de clans qui persistent entre les différentes factions. Les mesures anti-corruption s’attaquent aux « mouches », les officiels d’un rang relativement modestes, et aux « tigres » dont la stature et le pouvoir sont autrement plus importants. Depuis 2013, plus d’un million d’officiels, dont 146 cadres de haut niveau, ont été mis en cause. Xi Jinping n’a pas hésité à s’attaquer à un ancien membre du Comité permanent du bureau politique du Parti communiste, Zhou Yongkang, ancien responsable de la sécurité intérieure, brisant ainsi le tabou de la garantie de protection offerte aux dirigeants et à leurs réseaux de relations après la fin de leur mandat.

Toutefois, les tensions et les résistances fortes au sein du Parti communiste comme dans l’armée sont source de nouvelles fragilités. En février 2017, plus de cinq ans après le lancement des premières campagnes, une commission d’inspection révèlait la persistance de pratiques condamnées, particulièrement dans les entreprises d’État. Plus grave, l’influence de clans opposés à Xi Jinping n’aurait pas totalement disparu et des signes de mécontentement émergent régulièrement. La multiplication des appels à l’obéissance et au rassemblement autour des organes dirigeants du Parti communiste, dont Xi Jinping est présenté comme le « cœur », est le signe de ces difficultés persistantes. La lutte contre la corruption est également un moyen de maintenir un contrôle strict sur les champions économiques liés aux partis, mais dont la puissance financière, source d’autonomie, inquiète.