La question ouïghoure au Xinjiang peut-elle être réduite au radicalisme islamique ?

La question ouïghoure au Xinjiang peut-elle être réduite au radicalisme islamique ?

Peuplé à 60 % environ de Ouïghours turcophones et musulmans sunnites et à 40 % de Hans, le Xinjiang est l’une des régions autonomes où la question des minorités est la plus complexe1. Depuis la fin de la décennie 2000, le Xinjiang est en proie à une recrudescence de tensions, avec des émeutes à Urumqi, capitale de la région autonome, et des attentats au cœur de Pékin et à Kunming, dans le sud du pays. Mais ces tensions ne peuvent pas être réduites aux manifestations d’un radicalisme islamique.

Dans les années 1930 et 1940, deux Républiques du Turkestan oriental, soutenues par l’URSS, ont connu une existence brève dans un territoire où l’autorité du pouvoir central chinois ne s’impose réellement qu’après 1949. Jusqu’à la fin des années 1970, la politique de répression identitaire et religieuse, menée pendant la Révolution culturelle, a poussé les Ouïghours à se réfugier dans les Républiques soviétiques d’Asie centrale. Entre 1980 et 1990, la dimension culturelle des mouvements d’autonomie, marqués par un pan-turkisme ancien, l’emportait sur la dimension religieuse.

La radicalisation islamique du mouvement, depuis les années 2000, est liée au développement des contacts avec l’extérieur, notamment avec le Pakistan, et à une politique de répression de plus en plus sévère. Des dizaines de milliers de forces de sécurité sont mobilisées depuis 2010 et la pratique religieuse est strictement encadrée. Depuis le 1er avril 2017, le port des signes religieux, tels la barbe ou le voile, ainsi que les prières « illégales », organisées en dehors des mosquées autorisées par le pouvoir, sont officiellement interdits. Les fonctionnaires et les étudiants n’ont pas le droit de pratiquer le ramadan. Des « forces spéciales » ont été créées et les performances des responsables locaux du Parti communiste sont jugées sur leur capacité à appliquer ces mesures. La volonté de réduction de la population ouïghoure a entraîné une politique de stérilisation imposée. La population est massivement mobilisée dans des pratiques de travail forcé.

En 2002, après les attentats du 11 septembre, Pékin – qui était pourtant l’un des rares gouvernements à entretenir des relations avec le régime taliban installé en Afghanistan – est parvenu à faire inscrire l’East Turkestan Islamic Movement (ETIM) sur la liste des organisations terroristes par les États-Unis.

Les autorités chinoises ont intensifié la répression au Xinjiang, qualifié de « ligne de front dans la lutte contre le terrorisme » par le président Xi Jinping en 2014. La lutte contre les « trois fléaux » que sont le terrorisme, le séparatisme et le fondamentalisme religieux domine le discours chinois au sein de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Dans ce contexte, l’appel à la « guerre populaire » contre les djihadistes musulmans est aussi un moyen de souder la population chinoise. Longtemps silencieuse, la communauté internationale a condamné en 2020 la politique de répression massive mise en place à Pékin.