Le pouvoir en Chine est-il tout-puissant ?

Le pouvoir en Chine est-il tout-puissant ?

Le régime chinois projette une image de pouvoir centralisé et puissant, qui s’est affermie avec la nomination de Xi Jinping. En 2016, un éditorial du Quotidien du peuple résumait en une formule la situation : « Un pays, un Parti, une direction centralisée. » Toutefois, l’autorité du pouvoir central est battue en brèche par les pouvoirs locaux, politiques, administratifs ou économiques, qui suivent leurs propres intérêts. La multiplication des appels à une discipline stricte et à une loyauté inconditionnelle montre les difficultés que les autorités centrales ont à mobiliser et à faire appliquer les décrets adoptés à Pékin. Localement, les fonctionnaires, dont les perspectives d’enrichissement ont été réduites par la campagne de lutte contre la corruption, choisissent l’immobilisme1. Au mois de décembre 2019, les autorités locales à Wuhan ont hésité à communiquer et à prendre des mesures radicales pour freiner la pandémie de Covid-19.

Plus que le centralisme, c’est donc l’éclatement des centres de décisions qui s’impose et freine la mise en œuvre de ces dernières. Pour pallier au manque de moyens, les autorités locales ont également recours à des ressources propres, sous la forme de taxes locales ou de prise de bénéfices dans des entreprises, ce qui accentue la collusion entre les milieux d’affaires et les autorités locales, ou grâce à la vente de terres réquisitionnées au nom du « bien commun2 ». Sur le plan économique, les mesures visant à contrôler les surcapacités dans des secteurs comme l’acier ou le charbon sont contournées par les entreprises avec la complicité des autorités locales dont les revenus et les chances de promotion dépendent du taux de croissance de leur juridiction.

Divisée en 22 provinces, cinq régions autonomes, quatre municipalités et deux zones administratives spéciales, la Chine compte en outre trois échelons d’administration sous-provinciale : la préfecture (ou grande municipalité), le district (ou petite municipalité) et le canton (ou bourg), qui constituent autant de fiefs locaux. En dessous, on trouve encore quelque 580 000 « villages ». À chaque échelon, l’autorité locale du Comité du Parti l’emporte, elle est la seule à jouer un rôle effectif dans la promotion des carrières et l’attribution des avantages. Le pouvoir central n’exerce directement son autorité – dans une certaine mesure – que sur les provinces, municipalités et régions autonomes dont il maîtrise les postes les plus élevés.

Le pouvoir actuel est donc au moins en partie soumis aux mêmes contraintes que le pouvoir impérial, et son autorité est loin d’être absolue sur l’ensemble du territoire. Comme le souligne un adage ancien : « Le ciel est haut et l’Empereur est loin3. »