Le Tibet veut-il l’indépendance ?

Le Tibet veut-il l’indépendance ?

Le Tibet est emblématique de la stratégie politique de sinisation mise en place par Pékin dans les zones de minorités que l’on retrouve également au Xinjiang. Si les relations entre la théocratie tibétaine et le monde chinois ont toujours été complexes, Pékin n’impose son autorité sur l’espace tibétain qu’en 1951. Soumis à des pressions constantes, le quatorzième Dalaï-Lama s’enfuit pour l’Inde en 1959, où une administration centrale tibétaine en exil a été installée à Dharamsala.

Le Tibet, amputé en grande partie de son territoire rattaché aux provinces du Sichuan, du Gansu, du Qinghai et du Yunnan, est devenu officiellement « région autonome » en 1965. L’occupation militaire, l’accélération de la collectivisation, une répression massive, en particulier sous la Révolution culturelle, qui a causé entre autres la disparition de milliers de monastères, a été et est encore la cause d’une agitation endémique, qui se traduit régulièrement par des émeutes ou la pratique de plus en plus courante d’immolations.

Face à cette résistance, après une période de relative libéralisation dans les années 1980, alors que Deng Xiaoping déclarait que « hormis l’indépendance, tout peut être négocié », le pouvoir central a repris une stratégie de contrôle fondée sur la surveillance des pratiques culturelles et religieuses, une présence massive de l’armée et des forces de sécurité et l’encouragement à l’installation de Chinois hans devenus majoritaires dans la zone du Tibet élargie. Au nom du développement de l’Ouest, l’argument du développement économique d’une région riche en ressources hydrauliques et minières est utilisé pour accélérer le processus d’assimilation.

Le principal élément de contentieux actuel est pour Pékin le rôle joué par le Dalaï-Lama. Tandis que la légitimité du pouvoir chinois repose sur sa capacité à imposer son autorité et à garantir « l’unité nationale », Pékin l’accuse de « séparatisme ». En réalité, en adoptant à la fin des années 1980 ce qu’il appelle la « voie médiane », le Dalaï-Lama ne demande pour le Tibet qu’une « autonomie réelle » dans le cadre de la RPC. La Chine conserverait la responsabilité des Affaires étrangères et de la Défense, le Tibet étant responsable des affaires intérieures et de l’éducation, des questions religieuses et culturelles ou de l’économie. Il ne s’agit donc pas de l’indépendance du Tibet, mais d’une revendication de respect des droits démocratiques. Le Dalaï-Lama, qui a obtenu le prix Nobel de la paix en 1989 et dont l’aura internationale vient renforcer ce défi, pose un défi idéologique direct au régime chinois. Cette dimension idéologique explique l’opposition absolue de la Chine à sa personne.