Les minorités nationales ont-elles des droits en Chine ?

Les minorités nationales ont-elles des droits en Chine ?

Selon la Constitution chinoise, « la Chine est un État multiethnique uni » et le discours officiel fait remonter cette caractéristique aux temps politiques les plus anciens. Suivant la voie tracée par Staline, le nouveau pouvoir installé en 1949 a procédé à un recensement minutieux des « minorités » pour lutter contre les pratiques « féodales » et « primitives », et contrôler des zones qui occupent plus de 50 % du territoire national.

Aujourd’hui, la Chine est officiellement composée de 56 « groupes ethniques », dont les Hans, qui représentent 91 % de la population1. Entre 1947 et 1965, cinq régions autonomes ont été créées au fur et à mesure de la consolidation du pouvoir communiste sur l’ensemble du territoire, en Mongolie, au Xinjiang, au Guangxi (Zhuang), au Ningxia (Hui), puis au Tibet. Il existe également des préfectures, des districts et des cantons autonomes.

Le principe officiel est celui de l’égalité avec, en théorie, les mêmes droits garantis par la Constitution. Ainsi, les « minorités » ont en théorie le droit de pratiquer leur langue et de préserver leurs coutumes : leurs représentants à l’Assemblée nationale où à la Conférence consultative politique du peuple chinois sont encouragés à porter les « costumes nationaux » lors des réunions annuelles à Pékin. Si la pratique des langues minoritaires est autorisée, elle est volontairement marginalisée : dès l’école primaire, l’enseignement se fait principalement en mandarin. En 2020, des manifestations ont eu lieu contre la réduction de l’usage du mongol dans les écoles.

Quant à la liberté de culte, elle est protégée par l’État, mais elle doit s’exercer « dans le respect du droit et d’une pratique normale ». Dans les régions où se trouvent les minorités ethniques, une marge d’interprétation des lois adoptées par le pouvoir central est tolérée. Par exemple, les règles de contrôle des naissances, ainsi que celles de l’âge du mariage, diffèrent ; il est fixé à 18 ans pour les filles et à 20 pour les garçons au lieu de 20 et 22 ans dans le reste de la Chine.

Depuis 2008, les membres des minorités ethniques n’ont plus le droit de créer des associations pour la défense de l’environnement ou l’éducation. Les minorités musulmanes au Xinjiang et au Ningxia, ainsi qu’au Tibet, sont visées par ces mesures. Au Xinjiang, une volonté de contrôle de type génocidaire a été mise en place avec une politique de stérilisation forcée. Les arrestations sont nombreuses, ainsi que les pratiques de travail forcé qui touchent plus de 500 000 personnes. La pratique religieuse est sévèrement limitée et les organes de sécurité sont omniprésents, s’appuyant sur la reconnaissance faciale et l’intelligence artificielle. Dans le même temps, les sites culturels et religieux sont détruits.

La politique de développement de l’Ouest, censée apaiser les tensions dans les zones de minorités ethniques, n’a pas eu les succès escomptés. La politique de construction d’infrastructures, dont le chemin de fer du Tibet, achevé en 2006, est le symbole, a surtout permis l’arrivée massive de Chinois hans, touristes en mal d’exotisme ou en quête d’opportunités économiques. Les déplacements massifs de population, la sédentarisation forcée et la destruction des villes anciennes comme Kashgar au Xinjiang, au nom de la modernisation et de l’éradication de la pauvreté, sont également la cause de graves tensions.