Les syndicats chinois ne sont-ils que de simples instruments du contrôle social ?

Les syndicats chinois ne sont-ils que de simples instruments du contrôle social ?

Créée en 1925, la Fédération des syndicats de Chine (ACFTU) et ses branches régionales et sectorielles, seule organisation syndicale autorisée mais véritable force politique, regroupe près de 300 millions de travailleurs. Organisation de masse placée, comme en URSS, sous l’autorité du Parti communiste, l’ACFTU n’a longtemps joué qu’un rôle de courroie de transmission et de mobilisation entre le pouvoir et les travailleurs au sein des entreprises. L’apparition d’un secteur privé ou collectif aux côtés du secteur d’État dans les années 1990 a progressivement fait évoluer ses missions et son rôle avec la multiplication des conflits portant sur le respect des contrats ou les salaires.

En 2001, la loi sur les syndicats précise pour la première fois que la mission de la Fédération est de « protéger les droits et les intérêts légitimes des travailleurs » avant « les intérêts globaux du peuple chinois ». Au cours des années 2000, l’ACFTU renforce sa présence dans les entreprises privées et les entreprises étrangères. Le cas de Wal-Mart, obligé d’accepter une branche du syndicat dans ses filiales installées en Chine, est symbolique.

En 2008, l’ACFTU joue un rôle de lobbying en faveur des travailleurs lors de l’adoption d’une série de lois portant sur l’organisation du travail et la gestion des conflits. La multiplication des grèves dues aux conditions de travail et aux salaires dans la province du Guangdong en 2010 impose à la Fédération, menacée d’être débordée par des organisations autonomes revêtant la forme d’ONG non officielles, d’évoluer en acceptant le principe de négociation collective. Ce changement marque une rupture pour un syndicat dont le représentant dans les entreprises est en général un membre de la direction. Le principe de l’élection des délégués syndicaux par les travailleurs eux-mêmes est progressivement accepté. L’augmentation significative du salaire moyen que la Chine a connu entre 2006 et 2016 est l’un des principaux résultats de ce changement de positionnement. En revanche, les organisations de la société civile qui tentent de défendre les travailleurs sont sévèrement réprimées.

Ces évolutions restent toutefois limitées. En effet, d’après le site officiel de l’ACFTU, qui compte 300 millions de membres et 1 million de cadres, si la « négociation collective » doit devenir une priorité pour le syndicat, l’objectif demeure de « préserver l’harmonie », tout en offrant aux travailleurs une plate-forme contrôlée où exprimer leurs revendications. Par ailleurs, il semble que la Fédération puisse être mobilisée par le pouvoir pour exercer des pressions sur les entreprises étrangères, tout en conservant un rôle de contrôle de tensions dans les entreprises chinoises. Enfin, Pékin n’a toujours pas signé les conventions fondamentales de l’OIT sur le droit d’association, de négociations collectives et sur le travail forcé. Des intermédiaires spécialisés utilisent leur réseau et la corruption pour fournir aux entreprises sous-traitantes de grands groupes étrangers les documents destinés à prouver leur respect des règles concernant le temps de travail, les salaires et le travail des enfants.