Pourquoi la censure se renforce-t-elle en Chine ?
Après des années de relative libéralisation de fait, on constate une nette recrudescence de la censure au nom de la préservation de la « stabilité ». Dans un classement publié en 2020, Reporter sans frontières plaçait la Chine au 177e rang sur 180 pays au classement mondial de la liberté de la presse. Dans un discours prononcé au cours d’une visite d’inspection des principaux médias, le président Xi a exigé de leur part une « loyauté absolue1 ». Les appels au renforcement du contrôle idéologique dans les universités et à la censure des sources occidentales se sont multipliés depuis 2015. En 2017, les Presses universitaires de Cambridge ont été soumises à l’obligation de censurer le contenu de revues diffusées en Chine.
Ce durcissement s’explique par le sentiment de vulnérabilité du pouvoir. Si le régime peut se targuer de résultats impressionnants, il se retrouve confronté à une contestation qui l’inquiète. Au mois de janvier 2015, une réunion du bureau politique du Parti communiste entérinait le concept de « sécurité nationale aux caractéristiques chinoises » pour parer à une situation de risques qualifiée de « sans précédents », parmi lesquels la multiplication des conflits sociaux. La loi sur la sécurité nationale adoptée par l’APN en 2015 mentionne la « sécurité politique » et la « sécurité culturelle », alors que les réseaux sociaux permettent techniquement d’accéder à des sources d’information plus indépendantes, y compris en provenance de l’étranger.
Devant ces inquiétudes, le contrôle des moyens d’information est de plus en plus efficace avec l’instauration d’un pare-feu idéologique qui supervise l’ensemble de l’Internet chinois. Dès 2013, une série de mesures et l’arrestation des bloggeurs les plus actifs, accusés de diffuser des « rumeurs », ont signalé la reprise en main d’Internet par les autorités, qui redoutent de perdre le contrôle idéologique. En 2016, une réglementation a renforcé la censure existante et le contrôle strict des fournisseurs d’accès. En janvier 2017, l’interdiction des VPN2 « non autorisés » a renforcé le dispositif. À la tête du groupe de travail du Comité central sur la sécurité Internet et l’informatisation, le président Xi Jinping rappelle que les nouveaux moyens de communication doivent contribuer à « renforcer les valeurs du socialisme » face aux risques posés par la « contamination idéologique » en provenance de l’Occident. Sur Internet, l’intelligence artificielle et les algorithmes permettent de rendre plus « efficace » cette censure totalitaire.
La censure se durcit dans la presse, les milieux de l’édition et l’université. Des enseignants connus pour leurs positions favorables à une plus grande libéralisation politique et sociale sont arrêtés et condamnés comme le professeur Xu Zhangrun en 20203. Ces arrestations ont tenu lieu d’avertissement à qui serait tenté de poursuivre des activités jugées trop critiques par un pouvoir central incertain de sa survie à long terme.