Chine-France : peut-on rééquilibrer les relations économiques ?

Chine-France : peut-on rééquilibrer les relations économiques ?

Le déséquilibre des relations économiques est un sujet de contentieux majeur entre la Chine et la France. Le déficit commercial avec la RPC est le plus important pour la France. Il a atteint, en 2018, 35 milliards de dollars, soit près de 50 % des échanges. En 2019, la Chine était le 7e client de la France, absorbant 4,2 % de ses exportations devant la Suisse (3,6 %). La RPC est en revanche le deuxième fournisseur de la France. La part de marché de la France en Chine n’est que de 1,4 % alors que celle de la Chine en France est de 9 %.

Les opportunités offertes par le marché chinois sont toujours présentes. Toutefois, la question de l’accès à ce marché et de la réciprocité – également traitée au niveau de l’UE – est loin d’être résolue. Du côté français, les échanges avec la Chine demeurent structurés par de grands contrats soutenus par l’État dans les secteurs des transports (aérospatial) et de l’énergie (nucléaire). Outre la fragilité de ce type d’échanges en cas de refroidissement des relations France – Chine, ils irriguent peu l’ensemble du tissu économique français.

Paris est favorable au développement des investissements chinois en France pour rééquilibrer les échanges. En incluant Hong Kong, le stock des investissements chinois a atteint 6 milliards de dollars en 2018, principalement dans les secteurs de l’hôtellerie, des galeries marchandes, des vignobles et des terres agricoles.

Comme dans le reste de l’Europe, des voix se sont élevées du côté français pour demander un contrôle des investissements chinois dans le secteur sensible des technologies de pointe. De leur côté, les 1 600 entreprises françaises installées en Chine sont toujours en attente d’un accès facilité au marché chinois, y compris dans le secteur des services.

Poussé par la France pour ouvrir le secteur des services, l’accord d’investissements croisés UE-Chine signé au mois de décembre 2020 comporte beaucoup de lacunes. On constate dans les relations avec la puissance chinoise une attitude moins conciliante et moins naïve qui s’apparente à une forme de fin des illusions. Les investissements chinois en France se sont révélés décevants ou potentiellement problématiques dans les secteurs sensibles comme celui de la 5G et d’autres secteurs de pointe. Surtout, loin d’apparaître comme une manne inépuisable pouvant « sauver » des entreprises françaises, nombre d’investisseurs chinois, dont la solidité avait été mal évaluée par leurs partenaires français, se sont révélés fragiles pour des raisons économiques ou politiques. HNA, partenaire de France-Pierres a été déclaré en faillite au mois de janvier 2021. Le président de Fosun, partenaire du Club Med, a, comme d’autres patrons chinois, disparu pendant de longs mois. Huawei a inauguré en 2021 une usine de production en Alsace, promettant un investissement de 200 millions d’euros et la création de 300 emplois, mais, au dernier trimestre 2020, frappées par les sanctions technologiques américaines, les ventes se sont effondrées de 44 %.

En 2019, la compagnie chinoise CASIL a revendu les parts qu’elle détenait dans l’aéroport de Toulouse sans y avoir effectué les investissements prévus. Autre exemple, en 2018, la société chinoise Synutral abandonnait son usine de lait en Bretagne avec plusieurs mois de salaires impayés.

De son côté, la France fait aujourd’hui preuve d’une très grande prudence pour tout ce qui concerne les technologies de pointe, dont les caractéristiques duales permettent de les appliquer au secteur militaire ou civil. En 2020, l’arrêt du projet de vente des chantiers de l’Atlantique à Fincantieri s’explique aussi par la crainte de voir la Chine, qui détient des parts de l’entreprise italienne, mettre la main sur des technologies sensibles. Le plan Made in China 2025 mentionne en effet spécifiquement la construction navale comme une priorité.

En 2020, la France a durci ses procédures de contrôle des investissements étrangers dans des secteurs stratégiques. Si cette loi ne concerne pas spécifiquement la Chine, elle répond aux risques de pillage technologique au service du développement des capacités civiles ou militaires d’un régime non transparent. De même, dans le secteur de la 5G, les règles imposées limitent les opportunités de l’entreprise Huawei pour implanter ses réseaux sur le territoire français, même si, contrairement à d’autres pays, elles ne l’excluent pas totalement. En 2020, la crise du Covid-19 et son coût humain et économique dramatique ont renforcé la position de ceux qui plaident pour une réduction de notre dépendance industrielle à la puissance chinoise et une plus grande vigilance face aux initiatives de Pékin.