Quel avenir pour le partenariat stratégique entre la France et la Chine ?
Depuis 2004, la France et la Chine sont liées par un « partenariat stratégique global », nourri par de multiples rencontres et par un « dialogue stratégique franco-chinois » qui concrétise, selon les termes diplomatiques, le « niveau exceptionnel de cette relation ». Pour le président Chirac, dans une déclaration de 2006, ce partenariat global place la Chine « au cœur de la politique extérieure de la France ». Pour Emmanuel Macron, l’équilibre s’est modifié, la réciprocité est une priorité, même si la puissance chinoise demeure un partenaire incontournable sur des sujets comme le changement climatique.
Les deux partenaires ont longtemps mis en avant une « communauté de valeurs » fondée sur l’attachement à une vision multipolaire du monde, une opposition aux politiques de puissance et un attachement au rôle central de l’ONU. Pour la Chine, la France est une puissance qui compte, en raison notamment de son statut de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, et Pékin encourage le concept « d’autonomie stratégique » qui peut lui permettre de poursuivre un jeu de division avec les États-Unis. Pourtant, en dépit du rappel constant d’éléments qui plaident en faveur d’un approfondissement du partenariat stratégique entre la France et la Chine, les points de divergence sont de plus en plus présents.
Pékin insiste sur le caractère « gagnant-gagnant » de ce partenariat, mais c’est la dimension asymétrique des attentes qui s’impose dans la relation entre la Chine et la France. Pour la France, la thématique de la réciprocité, longtemps oubliée, s’impose désormais dans tous les domaines et Paris souligne que l’objectif d’un « dialogue confiant » avec la Chine est bien de « favoriser l’évolution du pays vers un modèle de développement durable fondé sur l’état de droit ». Cette vision « évolutionniste » du régime chinois est au contraire totalement rejetée par Pékin.
Paris met en avant la concertation sur les grands sujets globaux et les crises régionales, mais – en dehors de la question climatique – les divergences l’emportent. La stratégie de défense française en Indo-Pacifique, publiée en 2020, souligne « l’incertitude profonde sur les implications de l’action chinoise1 ». Sur les crises régionales, la France et la Chine ont adopté des positions divergentes sur les Printemps arabes, la Syrie ou le rôle de la Russie. Et Paris a condamné fermement la répression accrue à Hong Kong et au Xinjiang.
Pour Pékin, la relation idéale, caractéristique d’un véritable partenariat stratégique suppose trois éléments qui sont le « respect mutuel », entendu d’abord comme le respect des intérêts fondamentaux de Pékin, une « vision stratégique de long terme », qui ne prenne pas en compte les sujets concrets de tension, et une « gestion correcte des différences » qui place le dialogue avant l’exigence de résultats. Dans le cas de la France, il convient d’ajouter le respect de la continuité des « idées gaullistes » sur le plan diplomatique, autrement dit un positionnement anti-atlantiste. Si Paris s’est, dans le passé, conformé à ces attentes, c’est de moins en moins le cas. Et si le dialogue stratégique entre la France et la Chine peut et doit se poursuivre, il n’implique pas l’approfondissement sans conditions d’un partenariat stratégique qui a montré ses limites.