Quel est le poids de l’histoire dans les relations franco-chinoises ?

Quel est le poids de l’histoire dans les relations franco-chinoises ?

En 1964, la France, contre l’avis des États-Unis, a été la première grande puissance occidentale à établir des relations diplomatiques complètes avec la Chine (RPC)1. Dans un discours prononcé à cette occasion, le général de Gaulle insistait sur le pragmatisme de sa décision en déclarant : « Il faut reconnaître le monde tel qu’il est… La Chine, avant d’être communiste, est la Chine. »

Cette reconnaissance, constamment mise en avant par Pékin pour distinguer la relation franco-chinoise, s’inscrivait dans un contexte qui avait peu à voir avec la Chine elle-même. Pour Mao, en pleine rupture sino-soviétique, il fallait trouver de nouveaux partenariats. Pour De Gaulle, il s’agissait à bon compte – la Chine n’étant pas à l’époque une puissance majeure – d’imposer sa vision d’une « troisième voie » entre Washington et Moscou, et d’exprimer son indépendance à l’égard des États-Unis pour affirmer la place et la singularité de la France en Europe et dans le monde.

Il existe en France une longue tradition de fascination pour la Chine, des philosophes du XVIIIe siècle aux maoïstes des années 1960, en passant par une riche école sinologique qui s’est épanouie à la fin du XIXe siècle. Mais très souvent, la connaissance du système chinois contemporain demeure limitée.

Pour la RPC, cette reconnaissance a été élevée au rang d’acte fondateur, qui permet de présenter la relation franco-chinoise comme le modèle normatif de ce qui constitue une relation harmonieuse dans un monde multipolaire. On attend de la France, « vieille amie de la Chine », qu’elle continue de jouer son rôle de perturbateur de l’ordre « atlantiste ». Pourtant, depuis 1964, l’organisation du monde et les rapports de force ont été bouleversés et, entre Pékin et Paris, en dépit du rappel constant de l’acte fondateur du général de Gaulle, les déceptions se sont accumulées.

Après la répression du mouvement démocratique place Tiananmen à Pékin en 1989, la France a servi d’asile aux dissidents en fuite. En 2020, la France a dénoncé les très graves violations des droits de l’homme à Hong Kong et au Xinjiang. La Chine est présentée d’abord comme un rival systémique et la stratégie indo-pacifique de la France se veut aussi une riposte à l’activisme de Pékin. Avec la montée en puissance de la Chine, le rôle déstabilisateur de Pékin dans le système international apparaît plus clairement et l’opinion publique en France a profondément évolué, dans un sens nettement moins favorable au régime chinois. En 2020, la diplomatie très agressive de « loup combattant » mise en place par Pékin a contribué à aggraver les tensions.