Quel avenir le secteur privé a-t-il en Chine ?
En 2017, dans son discours de clôture de la réunion annuelle de l’APN, le Premier ministre Li Keqiang, en charge de l’économie, déclarait que les entrepreneurs et l’innovation sont les moteurs de l’économie chinoise. Toutefois, le secteur privé, à l’exclusion des entreprises à capitaux mixtes sous contrôle de l’État-Parti, ne représente encore que 35 % des actifs. Selon des chiffres officiels difficiles à vérifier, le secteur privé ou semi-privé, soutenu par les investissements étrangers, et davantage tourné vers les exportations et les services que le secteur d’État, serait pourtant à la source de 60 % de la croissance chinoise et de plus de 80 % des emplois.
En dépit de ce dynamisme, le secteur privé est confronté à des difficultés d’accès au crédit et aux autorisations officielles, sous contrôle de l’appareil du Parti communiste, qui rendent son développement aléatoire et dépendant de la volonté des autorités nationales ou locales. Ce système favorise la corruption : les « enveloppes rouges » sont le premier moyen de débloquer les dossiers complexes et d’assurer les affaires. Ces pratiques intrinsèques à la constitution de réseaux efficaces fragilisent les entreprises privées. L’arrestation, au mois de décembre 2016, de Guo Guangcheng, le président de Fosun, dans le cadre des campagnes de lutte contre la corruption menées par le pouvoir, la « disparition » de Jack Ma au mois d’octobre 2020, la condamnation à mort de Lai Xiaomin, président d’une compagnie financière, au mois de janvier 2021, démontrent le caractère relatif de l’autonomie accordée aux entreprises privées1.
La crainte du pouvoir, en dépit des déclarations de soutien aux entrepreneurs privés, est de perdre le contrôle de l’économie, principal levier dont les autorités disposent pour orienter les évolutions du système politique. Au mois d’octobre 2020, une nouvelle directive a appelé à renforcer le rôle du Parti communiste et du travail de « front uni » au sein des entreprises privées. Cette contradiction entre ouverture aux intérêts privés au nom du développement et de la modernisation et volonté de préserver le contrôle de l’État n’est pas nouvelle. À l’époque impériale, les velléités réformistes de la fin du XIXe siècle se sont heurtées aux mêmes tensions. Néanmoins, dans les arbitrages entre un secteur privé dynamique et innovant et un secteur d’État hypertrophié et endetté, les dirigeants chinois ne pourront éternellement ignorer les contraintes du marché.