Quelles sont les ambitions chinoises en Asie centrale ?
L’Asie centrale est l’un des théâtres où les tensions de la relation diplomatique sino-russe peuvent s’exprimer. En 2015, Pékin et Moscou ont annoncé l’intégration des deux projets de route de la soie chinoise (BRI) et du Forum économique de l’Eurasie (Eurasian Economic Forum) piloté par la Russie, mais les avancées concrètes demeurent limitées même si on assiste à une « division du travail » entre la Russie, qui assure la sécurité, et la Chine, qui demeure focalisée sur les investissements dans une zone où la puissance russe veut préserver son influence et la Chine renforcer la sienne.
Depuis les années 2000, la puissance chinoise est devenue le premier acteur économique en Asie centrale, où la force d’attractivité de son marché et de ses capacités d’investissement joue à plein. Indépendantes depuis 1991, les Républiques d’Asie centrale ont en effet cherché à se libérer de l’emprise russe et à trouver de nouveaux débouchés pour leurs ressources naturelles. La volonté stratégique de Pékin de trouver des sources d’approvisionnement en énergie, pétrole et gaz, non dépendantes du transport par mer, a tiré cette croissance exponentielle des échanges et la Chine a joué le premier rôle dans la construction d’infrastructures réorientant les exportations des pays de la région vers l’est. La Chine est également le premier importateur d’uranium du Kazakhstan.
Dans un mouvement inverse, le projet chinois de route terrestre de la soie, présenté en 2013 par Xi Jinping lors d’une visite au Kazakhstan, vise à désenclaver les provinces chinoises de l’intérieur et à favoriser le développement du Xinjiang en en faisant une plate-forme d’exportation des produits chinois vers l’ouest. L’Asie centrale est destinée, pour Pékin, à un corridor d’infrastructures de communication entre l’Europe et la Chine.
Bien que la dimension économique domine la stratégie de la Chine pour l’Asie centrale, la sécurité n’est pas absente. La Chine joue un rôle marginal dans la stabilisation de la zone et laisse à la Russie la responsabilité principale en la matière. Toutefois, l’organisation de coopération de Shanghai (OCS), créée en 2001, est également un instrument de contrôle des « trois fléaux » qui sont pour Pékin « le séparatisme, le terrorisme et le fondamentalisme religieux ». Des exercices communs de lutte antiterroriste ont été organisés et les liens tissés avec les régimes autoritaires d’Asie centrale permettent aux autorités chinoises d’obtenir de ces pays la promesse de renoncer au soutien à la communauté ouïghoure du Xinjiang, dont ils partagent l’identité culturelle.
Comme dans le cas des relations de la Chine avec la Russie, la presse chinoise met systématiquement en avant le succès de la politique chinoise en Asie centrale. Mais si la coopération au niveau des gouvernements est étroite, les pays d’Asie centrale cherchant à maximiser leurs bénéfices en multipliant les partenariats avec les grandes puissances, dont la Chine, les sentiments antichinois dans la population sont en progression. L’invasion des produits chinois sur les marchés de la région et la crainte des achats de terre par des intérêts chinois nourrissent des manifestations sporadiques qui relativisent les capacités d’action de la Chine dans la région.